Artem SAVART
Un Russe en Ukraine

Et ça continue…

Plus de 24 heures sans électricité. Le choque est presque le même que celui des premiers instants de la guerre. Une réalité nouvelle.

Si j’étais du genre à me plaindre, ça m’aurait embêté. Mais pendant ces dernières années à Odessa j’ai eu tellement de chance, tellement de plaisir, que même s’il n’y a plus d’électricité du tout, j’aurai du mal à quitter cette ville.

Moi, qui me suis retrouvé sans aucun papier, illégale, un russe en Ukraine en pleine guerre, je préfère rester ici, quoi qu’il en coûte. Et il ne serait pas hypocrite de dire ça, parce que pour survivre, on peut se contenter de si peu, qu’on aurait honte de se plaindre à cause de ne pas pouvoir continuer son emploi du temps habituel, i on y réfléchissait bien honnêtement.

Ce qui compte vraiment, ce sont les gens. Des gens qui t’entourent et qui font que ta vie est la tienne. La tienne, qui est unique, comme chaque autre vie. Depuis la naissance jusqu’au trépas, et même après peut-être.

Moi ayant vécu en Russie presque toute ma vie, je comprends très bien les Ukrainiens, qui se disent d’aller jusqu’au bout, jusqu’au dernier centimètre de leur territoire, envahi, mais bientôt, je l’espère et j’y crois, libéré.

Parce qu’il ne s’agit pas de la terre pour eux, il s’agit de la vie des gens. De leur liberté, de leurs valeurs, qui sont aussi bien européennes, que ces gens ne peuvent pas exercer tant qu’ils sont occupés par ce régime non voulu. Ce régime, pour lequel la vie des gens ne représente rien, absolument rien.

Alors, ils peuvent détruire tout ce qui est confort, chauffage, électricité, internet, nous remettre au moyen âge, ça ne les mènera à rien. On ne cédera pas. Parce qu’ici on vit pas dans une prison. Ici, la liberté, ça compte. Et sans liberté, surtout intérieure, il n’y a pas de vie : ce n’est qu’une existence.

Ça prendra encore du temps, bien sûr. Ça prendrait moins de temps et de vies, bien sûr, si le monde entier se réunissait pour de vrai, sans hésitation, contre ce petit égo impérialiste, qui se croit tout permis, mais le résultat est inévitable. L’Ukraine sera libéré.

Malheureusement, cela ne ressuscitera ceux qui ne sont plus parmi nous à cause de cette guerre. Ce qui nous impose, sans aucune contradiction de notre part, de bien profiter de chaque instant de notre vie. Peu importe, électricité ou pas. Au contraire : ça fait du bien, quand on s’occupe avec soin des casseroles en préparant son bain.

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