Le quotidien humanitaire
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Un mois bien rempli. Rempli de choses qui me plaisent. Depuis un moment je ne fais que des choses que j’aime.Et c’est ça qui me permet de rester heureux quoi qu’il arrive. On devrait enseigner ça à l’école : ne jamais contrarier son cœur. Tôt ou tard on revient vers lui, après des crises s’il le faut, donc à quoi bon perdre du temps.
Je ne sais pas où ça va exactement. Je n’essaye pas de prévoir les choses à 100 %. Je fais pas par pas. Je n’ai qu’un simple dessin dans ma tête, que je me suis fait le jour où je me posais des questions à propos du sens de la vie. Quoi faire, pourquoi faire etc. Ce genre de questions soi-disant éternelles. Il y a une technique pour ça, qui m’a frappé par sa simplicité. Il suffit de rêver un peu mais à l’inverse. Répondre à une question. Pas celle qu’on pose aux enfants : qui veux-tu devenir. L’autre : En tant que qui veux tu mourir. Là, tout devient très clair. Un peu dur, mais très juste et direct.
Une grande partie des choses auxquelles mon âme voudrait bien participer pendant cette belle vie, peut se définir par un seul mot : humanitaire. Peu après que j’ai compris ça, c’est devenu une partie de mon quotidien. On avance dans notre projet Cafés du Coeur où on va distribuer les repas gratuits préparés sur place. On a déjà reçu notre camionnette, toute jolie et colorée.
D’ailleurs, quand Antoine notre bénévole qui nous l’a ramenée, traversait la Belgique, il a été arrêté pour une raison assez amusante. Les policiers belges ont lu les autocollants et n’ont pas compris la même chose. Au lieu de se disputer entre eux, ils l’ont rattrapé pour pouvoir relire et l’ont fait rire lui aussi du coup.
C’est un petit souvenir de rien du tout mais ça restera dans l’histoire des Cafés du Coeur. La vie est faite de petits souvenirs comme ça.
Comme on n’avait pas réussi à remplir la camionnette à 100 pourcents avant le départ, j’ai essayé de faire une collecte de dons pour acheter les générateurs pour Mykolaïv sur place et le temps du trajet on a réussi à acheter deux de plus et j’ai aussi les fonds qui sont arrivé un peu plus tard pour en acheter encore deux, ce qu’on fera avec la prochaine livraison qui aura lieu bientôt.
On a également trouvé un bienfaiteur qui est d’accord pour financer les deux premiers Cafés du Coeur en Ukraine. Il vient de confirmer sa participation financière donc on se prépare déjà au grand travail. Ça tombe bien, parce que j’ai déjà terminé les travaux au point d’invincibilité à Odessa, que j’ai pu construire grâce à votre aide donc j’ai le temps aussi bien que l’expérience.
C’était la première fois que je faisais les travaux du début à la fin. Dire que je me suis trompé sur tous les points, c’est encore très gentil, mais j’ai beaucoup appris. Surtout ne pas avoir peur devant les choses que je ne sais pas encore faire.
Rien n’est impossible, si vous avez une tâche à accomplir, bien importante pour vous et pour votre cœur et si en plus vous êtes soutenu par les gens avec un grand cœur. À plusieurs on est vraiment invincibles.
Le bénéfice : je me suis beaucoup amusé en travaillant le bois. On a fait des tables, des bancs, j’ai même réussi à faire des portes à partir de zéro.
En ce moment, on a presque tout le temps de l’électricité à Odessa. Aux moments des coupures l’endroit est à 100 % autonome avec deux fibres optiques, un starlink, un générateur de 8 KW connecté au réseau qui s’allume en moins d’une minute, 13 place fixes, plusieurs endroits aussi utilisables pour le travail (comme coins de repos, plusieurs bancs, canapés) et au total 84 prises à l’intérieur. Si vous avez des questions à propos de la construction, n’hésitez pas à me contacter.
Les tables, bien qu’elles sont très stables malgré le sol pas droit du tout, fixées par les planches équipées des prises, peuvent être détachées et rangées, s’il le faut et c’est fait exprès. J’ai eu plusieurs propositions déjà pour y faire des soirées culturelles et j’ai pensé que, on peut très bien les faire en direct.
Ça sera pour le monde entier une partie de la vie quotidienne d’Odessa, qui n’a pas perdu son charme culturel malgré cette guerre. Il y a toujours des musiciens, des comédiens, des écrivains, toutes sortes d’hommes d’affaires et de professeurs et maintenant des bénévoles qui ont des choses à partager.
Odessa est vraiment une ville unique, une ville multiculturelle à découvrir. Pour moi elle est aussi un paradis linguistique. Déjà, mon français, je l’ai beaucoup enrichi ici, ce qui prouve bien que c’est une ville internationale, mais aussi j’adore observer comment la langue ukrainienne se met à l’aise en ce moment.
Avant la guerre, même ceux qui parlaient très bien Ukrainien essayaient quand même de parler russe. Maintenant c’est l’inverse, les gens, s’il peuvent, essayent de parler Ukrainien, même si ce n’est pas leur langue maternelle et c’est un processus bien intéressant quand les gens d’Odessa avec leur humour un peu juif mélangent encore plus de mots et de cultures dans une seule phrase.
Les gens d’ailleurs, ils rigolent beaucoup, malgré tout. C’est une des armes secrètes des Ukrainiens : ne pas se prendre trop au sérieux, rester simple et de bonne humeur quoi qu’il arrive. Ça permet de rester créatif, ce qui est nécessaire pendant une guerre. Et cette créativité, je le vois, permet non seulement d’inventer des trucs contre l’ennemie, mais aussi des choses qui seront utilisées bien après.
Les gens continuent à créer de nouveaux produits, de nouveaux services. Le nombre de poèmes et de chansons et surtout de blagues, je n’en parle même pas. Si encore on pouvait éviter les morts, bien souvent injustes, causées par cette guerre.
Je deviens triste quand je pense à notre ami Nikolay qui est en train de terminer son entraînement et qui va bientôt partir au front. Il va être pilote de drône. On se prépare, on fait des collectes. Au début j’ai été surpris par la somme nécessaire pour acheter tout ce qui manque en équipement, ça monte jusqu’à 15 000 euros. Starlinks, générateurs, portables, tablettes, voiture, et plein d’autres petites choses et, attention, des produits alimentaires pour trois jours. Pourquoi trois jours, pas plus ? Inquiétant ça.
J’ai été surpris aussi que les commandants demandaient aux soldats de faire de pareils récoltes, mais on m’a expliqué que ce n‘est encore rien. Les voitures, par exemple, au front, c’est comme un ticket de bus pour nous. Tellement la vie d’une voiture à la guerre est courte. Donc, on ne peut rien y faire, en tout cas moi je ne peux pas passer à côté et sur mon blog je vais faire pour lui autant de récoltes qu’il faudra.
Je n’ose même pas imaginer sa femme s’il ne revient pas de cette guerre, donc les voitures, les starlinks, les batteries, qu’il les laisse s’il le faut pour sauver sa paux. Qu’il pense d’abord à lui et à son équipe.
Je ne sais pas pourquoi ça me prend maintenant, mais je pense souvent à la Russie. La moitié de mes rêves quand je dors se passent là-bas. Peut-être que j’essaie de me dessiner un futur où je puisse revenir me promener à Moscou, revenir à ma maison, voir ceux qui y sont restés.
Peut-être aurais-je toujours droit à une table pleine à craquer cuisinée en une demi-heure par ma grand-mère que je n’ai pas prévenue pour justement pas qu’elle s’embête avec la nourriture à cause de moi, comme elle le fait à chaque fois que je viens. Je ne sais pas. En ce moment c’est la guerre en Ukraine. L’occupation de la Russie par des bandits, tout le monde s’en est finalement rendu compte. Mais j’ai confiance. Confiance qu’il y a plus de bien sur cette terre, que de mal.
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