Artem SAVART
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Le repos imposé

Aujourd'hui je ne voulais pas me réveiller. Mais pas à cause de l'absence de l'électricité ou un autre problème quelconque.

Au contraire : ça me faisait tellement plaisir de prendre enfin mon temps. D’ouvrir les yeux et puis les refermer. De rester dans mon lit bien chaud, ce que l’on ne peut pas dire à propos du reste de la maison. De me rendre compte que même si c’est un peu imposé, ce sont quand-même et enfin les vacances, que je n’avais pas pris pendant des années. Tout le monde était prévenu de ces problèmes du courant. Mes clients français se sont montré compréhensifs : ils attendront le temps qu’il faudra. Les proches, qui vivent aussi à Odessa, sont aussi sans lumière, sans réseau. On s’est tous prévenus.

Le fait de se réveiller et de réaliser qu’il n’y a plus de connexion habituelle à ce monde, qu’il n’y a plus de communication comme avant, me fait penser à l’enfance, où on ne s’inquiétait de rien. La tranquillité. Le repos.

J’ai quand-même essayé d’allumer mon portable et ça a marché pendant quelques secondes. À ce moment précis, j’ai reçu un appel de mon ami Philippe, un français qui vit à Odessa depuis à peu près le même temps que moi. C’était sa N-ème tentative de me joindre pour me dire qu’ils avaient trouvé du courant et de l’internet dans un petit café tout gentil, pas loin de nos quartiers qui sont voisins.

J’y suis allé. Pour charger un peu mes outils bien sûr mais surtout pour passer du temps avec les amis. Il pleuvait. D’ailleurs, quand je dormais pendant toute la journée, en ouvrant mes yeux de temps en temps, j’entendais bien ce bruit de la pluie que j’ai pris d’abord pour le bruit des avions militaires.

Que-ce que cela ne me faisait rien que des avions militaires, selon ma déduction somnifère, circulaient sur Odessa ! Je m’en foutais éperdument. J’étais bien dans mon lit tout chaud à ne rien faire, ce qui ressemblait plutôt au premier janvier, quand on a l’impression d’avoir devant soi assez de temps pour réaliser tout ce qu’on s’est promis de réaliser mais surtout pour se reposer d’abord.

Dehors, il faisait pas froid. Au contraire même : plus chaud qu’à l’intérieur de la maison. Je marchais assez vite pour rejoindre mes copains le plutôt possible, pas parce qu’il m’attendaient mais plutôt en m’attendant à cette joie de se retrouver juste pour se retrouver, à l’improviste en plus.

La serveuse, assez jolie, timide et un peu nerveuse à cause de la quantité des clients inhabituelle à ce café de quartier, peu remarquable avant les coupure de l’électricité, était considéré plutôt comme une hôtesse de la maison où ne sont venu que des bons amis qui se connaissaient depuis toujours, qui se parlaient facilement, qui rigolaient, qui étaient joyeux, qui prenaient ce plaisir inattendu de ne pas être tout le temps et partout attendus.

Ce n’était pas grâce qu groupe électrogène qu’ils avaient du courant donc peu de temps après que j’ai rejoint mes camarades on a eu droit à une coupure de plus et l’hôtesse a dû fermer. On est sorti, toujours joyeux, comme des gamins à la chasse de l’électricité. On a prit la direction à droite, se souvenant de l’endroit où l’on pouvait peut-être, sans aucune garantie, trouver du chaud.

Il pleuvait déjà moins. On a pris ce plaisir de se promener un quart d’heure, toujours en rigolant, et quelle joie enfantine on a eu en entrant dans ce restaurant qui se nomme Compote, bourré de gens, qui rigolent, qui se parlent facilement, qui se sentent amis depuis toujours, invité à une fête. Une fête de la lumière.

Et chez moi, toujours pas de lumière, ni de jus, ni de courant et surtout pas d’électricité. Mais cela ne fait rien. J’ai déjà compris comment je vais m’organiser, ça va. On continue cette aventure, qui est notre vie, en prenant tout le plaisir possible que l’on puisse trouver dans le moindre instant qu’on a la chance de passer sur cette planète.

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