Artem SAVART
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Les sans-papiers

Une amie m’a écrit pour demander si tout allait bien chez moi. On distribue des convocations, et les sans-papiers – on les met dans les bus.

J’en suis un justement, un sans-papiers. Et j’en ai déjà entendu parler. Les déménageurs, que j’ai trouvés sur internet pour décharger le générateur n’ont pas pu venir, j’ai tout de suite trouvé d’autres qui ont fait le travail, et pour les premiers j’ai appris plus tard qu’on les a mis, carrément, dans un bus. La suite ? Je n’en sais rien.

J’imagine que ça veut dire, qu’on vous amène jusqu’à la frontière pour vous expulser du pays. En tout cas, selon la loi, si elle est respectée, ça doit être le cas.

Mais je me demande quand même, à quoi elle sert une loi pareille. Pour vous donner l’exemple, je ne suis pas le seul russe en Ukraine. On est presque 200 000, si j’ai vu les bons chiffres. On a des tchats sur Télégram, des groupes Facebook, on cherche la solution et on ne la trouve pas : on est illégal déjà ou on le deviendra bientôt, en fonction de la durée de la carte de séjour. L’immigration refuse toute demande, et ne donne aucun papier. Ils s’en foutent.

C’est normal, diriez-vous peut-être, on a une nationalité du pays agresseur, dîtes merci qu’on ne vous a pas mis dans des camps comme il y en a déjà eu l’exemple à l’époque. Moi aussi je me le dis. J’ai tous mes comptes ukrainiens bloqués depuis le 24 février, je ne peux pas circuler librement, chaque jour, à part les risques qui peuvent être causés par une guerre, je risque aussi je ne sais même quoi exactement, étant russe en Ukraine sans papiers, illégal. Pourtant, j’ai tous les droits, toujours selon la loi, d’obtenir même la citoyenneté ukrainienne, parce que mon grand-père est né à Donetsk. Déjà occupé, quand je suis venu vivre en Ukraine, donc j’ai dû le prouver devant le tribunal. On n’a pas pu le faire avant la guerre, la séance était prévue pour le 4 mars.

Bien sûr, j’aurais préféré avoir un papier, n’importe lequel, juste pour pouvoir me déplacer et éviter se risque bizarre. Ça me bloque, je le vois. J’aurais fait beaucoup plus pour aider. Expulsé d’un pays en guerre, imaginez-le bien. Et encore, moi, ça va. Il y a pas mal de femmes dont les maris sont dans l’armée ukrainienne. Pour eux, non plus, aucun papier. Là, ce n’est pas juste, je trouve.

Mais bon. Si les autorités ukrainiennes ne veulent pas de nous, tant pis. Pour moi, ces questions de papiers ne représentent plus rien. Je n’y pense même pas normalement, sauf quand on m’en parle. Si jamais on m’expulse, à part que ça me posera des problèmes supplémentaires et me fera mal au cœur de quitter le pays que j’aime, ça ne changera rien au niveau de ma position et de ce que je fais.

Alors, papiers ou pas, tant que je suis là, on continue.

P. S. Quant à la photo : ça doit être en Grèce en 2012 à peu près. Les voyages me manquent énormément, oui. Ça fait un moment déjà.

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