Artem SAVART
Un Russe en Ukraine

Les Couleurs de l’Info : Ép. 4

J’écris cette note pendant une coupure d’électricité, à l’ancienne, avec un stylo, un carnet et une lampe, pour me faire plaisir, car ça me rappelle les premières coupures du novembre 2022. Au début, c’était le choc, on ne savait pas quoi faire, comment agir, comment travailler, comment vivre dans tout ça.

Maintenant après tant de temps et tant d’épreuves on a compris comment ça marche, on ne s’inquiète plus. Toujours 2-3 lampes à proximité et une dans la poche, c’est souvent utile quand on se retrouve soudain dans l’obscurité, pour ne pas se casser la figure. Les coupures peuvent vous surprendre à tout moment et nous, on est prêt. On n’attend pas, on ne cherche pas, on est juste armé, c’est tout. Pas d’électricité ? Allez, poche droite ou gauche et hop, que la lumière soit.

Et l’on fait ce qui est possible de faire sans. On l’a remise ? Allez, d’autres tâches ménagères ou professionnelles s’ensuivent. S’il faut quand-même travailler sur ordi pendant les coupures, et bien, les batteries sont toujours chargées, il y en a toujours plusieurs et pour avoir une connexion il suffit de connecter le routeur à l’une d’elles et grâce à la fibre optique que tout le monde a, dont on ignorait l’existence avant, on a toujours accès à l’internet et la vitesse est même pareille.

Si ça dure plus que 3 ou 4 heures, le temps qu’un ordi moyen se décharge, et bien au point d’invincibilité qu’on a construit, ainsi que dans pratiquement n’importe quel endroit public les générateurs font minutieusement leur travail de générateur, ils génèrent. De l’électricité, de l’énergie, de l’espoir aussi, de la foi en l’avenir malgré les circonstances qui nous éloignent du confort.

De la pollution, quand-même, il en génèrent aussi. Ça pue et ça fait du bruit,  mais en même temps, transformer une énergie potentielle en quelque chose de réel, de pratique, d’utile, des fois ça fait plus que du bruit. Ça peut même ruiner, avant qu’on ne renaisse renouvelé. Donc on accepte. On accepte aussi, j’ai l’impression, que l’Ukraine est en train de changer. C’est dans l’air. Il n’y a plus de de choix, on ne peut plus nier que ça ne marchera plus comme avant.

Certains essaient d’agir à l’’ancienne, mais tous on sait que ça ne va pas durer, des changements inévitables nous attendent. Sous quelle forme, dans quelle direction ? Là, il faudra ne pas se rater, vu le prix qu’on a déjà payé pour cette chance. Une deuxième comme ça, la chance, pourrait être fatale. Tous ces problèmes qu’on a eu, qu’on aura encore pendant un moment, ils n’ont fait que soulever certaines pourritures essentielles du système déjà mourant, qui n’a jamais été vraiment révisé.

Dans mon métier de programmeur et développeur web, par exemple, l’absence de maintenance préventive, la négligence des problèmes qui ne semblent pas si graves au début, ça peut mener facilement, et c’est souvent le cas, à la mort d’un tel ou tel système ou site web mal surveillé. Les concurrence, les nouvelles technologies, les hackeurs, l’obligation d’évoluer quand–même rien que pour survivre font que ces petits problèmes négligés deviennent plus graves et causent un risque existentiel.

Là alors, il ne s’agit plus de boucher des trous en en créant d’autres, pour sauver ce système. Il faut maintenir bien sûr le mourant le temps nécessaire, mais tout en mettant la majorité des ressources dans la création d’un nouveau système, plus moderne, plus subtile aux changements potentiels dans le futur même éloigné, prévoir une évolution progressive de ce système, ne pas essayer de tout reconstruire d’un coup, ça ne marchera pas, plutôt garder le code en bonne santé et le rendre dès le début le plus flexible que possible et le plus universel, le plus interdépendant afin qu’on n’ait plus jamais à boucher des trous par-ci par-là en faisant des compromis, en guérissant les symptômes au lieu de guérir la vrai maladie.

Afin qu’on puisse changer une ligne de code qui n’est plus d’actualité, ce qui arrive régulièrement, et que le changement s’applique partout où ce morceau de code est utilisé. Pas de code répétitif ou excessif donc et surtout pas de code contradictoire – si on se le permet une fois, on va s’enterrer un jour dans ces contradictions. Et il n’y a rien de mal dans une reconstruction d’un système du zéro.

C’est toujours une chance de prendre en compte non seulement ses propres erreurs du passé, mais aussi celles des autres : partenaires, concurrents.

Pas forcément pour tuer leur business en proposant quelque chose de plus moderne, mais on évolue, c’est normal d’être à jour. On les fait ces reconstructions dans notre vie souvent (si ce n’est pas toujours) à travers des crises et des fois, des crises qui risquent de nous anéantir, comme actuellement en Ukraine. Être en danger mortel comme une guerre, ça vous enlève certaines illusions de longue durée en rien de temps. Et cela ne dépend que de vous, de votre choix, de votre lucidité bien sûr et responsabilité aussi, si vous allez vous souvenir un jour de ce danger comme d’une épreuve, d’une étape de votre évolution, ou si il vous tuera, tout bêtement.

La mobilisation qui ne marche pas, qui fait peur et démotive au lieu de mobiliser. L’économie qui s’écroule et qui va se casser la gueule tôt ou tard. Les gens qui meurent, à cause des bombardements aussi, mais surtout à cause des conditions de leur vie, ou des déprimes, ou en hôpitaux pas assez équipés alors que ce n’est pas si impossible et si cher de les rééquiper que ça peut paraître.

Ou les gens qui fuient le pays, en traversant des montagnes pendant des jours, des rivières à la nage, dans des coffres des voitures des fois, parce qu’ils n’ont pas, soi-disant le droit de quitter ce pays, alors qu’il l’ont, ils ne sont pas des prisonniers, et ils l’exercent comme ils peuvent, en risquant souvent leur vie. Tous ces problèmes, ce n’est pas parce que les ukrainiens ou les russes, ne soyons pas racistes, n’ont pas de talent, d’ambition, d’intelligence ou de courage.

J’en connais des dizaines de gens personnellement qui sont partis et ont été plus efficaces, productifs et reconnus ailleurs que dans leur pays d’origine et tout ça, en travaillant encore moins. C’est juste que, un pays, ça peut t’étouffer quand le système installé n’est plus à jour pendant une longue période, ou dès le début a été fait par des malfaiteurs. Prenez seulement l’exemple de l’Union Soviiétique. Combien de talents qui ont réussi à s’échapper, il a donné au monde. Combien de talents il a éliminé dans ses camps ou en les fusillant directement. Combien de talents sont morts d’alcool, parce qu’ils ne pouvaient pas s’ouvrir et encore moins ne pas être comme la moyenne.

Moi, personnellement je me fiche des noms des pays, de leur patriotisme souvent assez hypocrites et de leur histoire, culture, langues ou autre chose quand il le mettent avant la vie humaine, justifiant ainsi leurs crimes. Ce qui compte pour moi, et je sais qu’on n’est pas en minorité dans ce monde, ce sont ces personnes dont chacune est unique. Chacune, t’en trouve pas pareille. Et il n’y a pas de moyenne dans ce monde. C’est inventé, pour manipuler ou faciliter, mais ce n’est pas naturel.

Et tout système qui voudrait survivre et évoluer de nos jours, devrait se débarrasser de cet archaïsme à la con. Plus on a des possibilités d’ouvrir nos talents, plus le système qui l’aurait permis, aurait de bénéfices. J’espère de tout mon cœur, que l’Ukraine saisira cette chance de vite changer, après tant d’épreuves et de vies brisées. Elle n’est pas loin la lumière, on le sens, on la cherche cette lumière, qui ne va probablement pas nous guérir nos blessures, elles vont se cicatriser toutes seules, un jour, mais qui est bien méritée, et qui mérite bien à son tour d’être accueillie en tout honneur, avec toute notre décence qu’il nous reste encore, j’espère. Elle vient, cette lumière, on le sait. Soyons prêts et efficaces.

Je me souviens d’une phrase d’un ami à propos de cette guerre. Toutes les guerres soudaines, surprenantes, inespérées, ça dure plus ou moins 4 ans. La première année, on est tous choqué, excité etc. La deuxième année, on est moins excité, mais on continue, on a encore de la force et du courage, on avance, on recule, on se fait des coups pas possible, on bouge quoi. La troisième année, on n’en peut plus. Le patriotisme disparaît, mais on continue, parce que l’autre il continue et on ne sait pas comment arrêter cette merde, ni pourquoi vu qu’on est déjà allé assez loin, qu’on a déjà sacrifié beaucoup et ça n’a rien apporté. La quatrième année, on en peut de nouveau, car deuxième souffle et on n’en peut plus de n’en pouvoir pas, mais du coup on l’arrête, par force ou par diplomatie, n’importe comment mais on cherche le moyen. Et comme on devient, je pense, plus expérimenté, on le trouve, parce qu’on veut la paix.

J’ai surpris ce matin deux de mes chats dormir, ne faisant qu’un seul, en se caressant même lors de l’ouverture d’un œil qui veille toujours, parce qu’un chat ça ne dort pas vraiment. Et bien ces deux chats, uniquement ces deux-là, ils se battaient plusieurs fois par jour, chaque jour, depuis qu’ils sont grands. L’orgueil, l’envie de dominer, de prouver quelque chose aux autres ou à soi-même, j’ignorais les raisons, eux aussi je pense. Mais les prétextes, ça ne manquait jamais. Et d’un coup ils ne se battent plus.

Je verrai peut-être mes parents et mes proches en Russie un jour, me suis-je dit, sans risque pour moi ni pour eux. La guerre s’arrêtera, les avions remarcheront, se sera une heure d’avion depuis Odessa à Lipetsk. Moscou, à la limite, parce qu’il n’y a jamais eu de vol direct. Moscou et puis prendre ce train qu’on appelle rapide. 120 km heure pour nous c’est rapide, excusez-moi. Et aujourd’hui pour moi même 1 km heure serait assez rapide du moment que ça bouge, car ça dure une éternité. Une éternité, parce qu’on espère bien sûr, mais on ne sait pas vraiment, si ça va être le cas.

C’est vrai, toutes ses familles déchirées par la frontière ukrainienne ou encore plus, par la ligne du front, qui ne vont peut-être jamais se revoir, qui sont obligées de s’inventer une autre vie, adapter leur futur, leurs projets, leurs envies à la nouvelle réalité. On termine cette troisième année épuisés, bien sûr, certains ont même déjà tourné la page complètement.

Et ça se voit de plus en plus, ce contraste entre la vie civile, qui essaie de tourner la page, et le front, qui doit continuer, qui est toujours en manque de tout, d’équipement, de médicament, d’effectif, d’espoir. Les collectes pour eux sont de plus en plus rares pourtant, et ressemblent plutôt aux derniers cris au secours.

Non assistance… oui… c’est bien ça.

Ce front, qui a toujours besoin, plus que jamais, de ne pas se sentir oublié, alors que c’est de plus en plus le cas. On s’approche des fêtes de fin d’année, c’est dans quelques jours seulement, certains de ces guerriers vont les fêter dans des tranchées froides et humides. Certains, pas tous, car quelques jours, c’est suffisant pour en perdre encore. Pour en perdre encore et encore jusqu’à ce que nos nobles représentants trouvent ce putain de moyen d’y mettre fin.

Nous les civils, on va essayer sûrement de les soutenir comme on peut, de soutenir aussi d’autre civils, moins chanceux que nous-même, qui n’ont même pas de quoi acheter un cadeau pour leurs gosses ou des gosses qui n’ont plus personne pour se soucier de ça, qui sont orphelins à jamais. Bref, tous ces trucs de guerre pas jolis, qui te déchirent le cœur, mais enfin, qu’est-ce que tu peux y faire, c’est notre nouvelle réalité.

Moi, je n’ai pas encore tourné la page, mais je songe un peu au futur. Je me suis trouvé une raison, un objectif. Avec certains d’entre vous on a construit tout un point d’invincibilité, qui, j’espère, sera inutile, une fois la guerre terminée. Ce serait quand-même dommage de tout démonter un jour. L’argent oui, on en a investi, mais on y a aussi mis de notre âme, ce qui est beaucoup plus important.

J’ai donc décidé de continuer à payer le crédit et de le racheter au plus vite, y mettre toute mon énergie au travail, et prochainement, le transformer en une sorte de centre culturel de la francophonie.

Et essayer d’établir son fonctionnement de sorte qu’il fonctionne tout seul et soit gratuit pour les gens. Ce sera mon hommage à la ville d’Odessa où j’ai la chance de parler français autant que je veux avec mes amis, avec des étrangers qui viennent et reviennent. C’est ici que je me suis découvert vraiment, ça vaut beaucoup. Ce sera un hommage aux auditeurs de RTBF qui nous ont toujours soutenu, et puis, ça aidera les gens, qui s’intéressent à la francophonie, ils sont très nombreux à Odessa, aux futures générations aussi, qui s’y intéresseront. Qui pourront participer aux événements culturels, aux clubs de conversations, aux concerts même. Y faire des émissions, une revue ou une petite radio en ligne même, j’ai déjà construit un petit studio, mais n’irons pas trop vite quand-même. Il n’y a pas énormément de place mais c’est pas grave, il y en a assez. L’important est de pouvoir se retrouver autour d’un sujet dans un endroit sympa qui aura toujours ses portes ouvertes.

Et puis mon rêve, c’est prêter des livres et faire passer des beaux vieux films. Si je parle français comme je le parle, c’est grâce à ça. J’ai déjà construit une partie des étagères de la future bibliothèque, j’en construirai davantage, j’adore travailler le bois.

Et si vous voulez nous faire un cadeau de Noël, ou un cadeau de n’importe quelle fête dans le futur, envoyez-nous des livres en français. Dédicacez-les ou accompagnez-les des cartes postales, on les gardera pour l’histoire. Ce n’est pas pour rien qu’on dit qu’un livre c’est le plus beau cadeau qu’on puisse offrir. Un livre, ça vous apprend beaucoup, ça peut changer votre vie.

Je ne sais pas si un livre peut arrêter des guerres mais sûrement, plus on en lie, plus ils nous apprennent, plus ils nous font découvrir nous-même et les autres, moins il y en a. Bonne fin d’année à toutes et à tous.

Les Couleurs de l’Info : Ép. 3

Voilà-voilà, le 5 novembre a eu lieu, mais les 24 heures durent plus que prévu bien entendu. Et pourtant, ça soulage quand-même. On peut maintenant attendre le 20 janvier, et ensuite on attendra autre chose. Un sommet, une réunion, des élections, un autre plan qui se préparerait, quelque chose dans le futur, mais pas très lointain, sinon ça casse toute l’ambiance, toute l’illusion. Il ne faut pas avoir trop à attendre, il faut y aller petit à petit, étape par étape, ça ralenti la vitesse de la chute, et puis il peut bien y avoir un arbre avec une couronne large et douce parmi ces rebords auxquels on essaie de s’accrocher. On évitera peut-être de se défigurer complètement.

On s’accroche souvent à des dates, à des évènements, que nous croyons si importants, si forts pour pouvoir changer notre vie. Même si on sait que ça ne va rien changer du tout, ça nous fait rêver, ça nous permet de mieux attendre. Ce serait trop facile peut être si on pouvait ne rien attendre du tout et agir comme ça nous chante maintenant, et peut être que l’on le peut, on n’attend personne pour aller aux toilettes, on le fait, quand on a envie, mais je pense que si on pouvait déléguer ça aussi, on le ferait.

On aime bien crier liberté, mais on déteste les responsabilités.

On préfère les mettre sur les épaules des autres. Les autres, c’est facile, on peut toujours expliquer à soi-même que ça n’a pas marché parce que les autres… ils ne veulent pas, ou ils n’ont pas pu, enfin, que ce n’est pas de notre faute. C’est peut-être des sujets fondamentaux qui n’ont pas de réponses que j’essaie d’aborder, doit-on être sujet ou objet, comment passer de l’un à l’autre, doit-on se plaindre, a-t-on le droit, si on ne répond pas de ses actes et si on laisse décider quelqu’un d’autre pour nous. A-t-on le droit tout court ou on fait partie d’un plan suprême?

Et puis, quelqu’un d’autre, c’est qui exactement, les américains, les russes, les poutines, les zelenskys, les militaires, les fonctionnaires, les civils, les voisins, les passants dans la rue, dieux, peut-être ? l’immigration ukrainienne, tiens, pourquoi pas, j’ai une dent contre eux, je les trouve bêtes et inutiles, parce qu’ils ne me donnent pas ce que je veux. Mais si je réfléchis, si je me mets à leur place, bien que je trouve bête et inutile l’existence même de cette place, ils ne font que suivre ce qui leur est prescrit, et puis, si je creuse un peu plus et essaie de trouver du sens dans ce qui m’arrive, tôt ou tard j’en trouve, et si je continue de creuser je peux aller bien loin et comprendre finalement que tout ce qui m’est arrivé depuis que je suis né c’était plus ou moins mon choix à moi. Je l’ai fait consciemment ou pas, mais je l’ai fait.

Étais-je guidé ? Peut-être. Même si je ne pourrai jamais expliquer pourquoi on a deux bras et deux jambes, pourquoi on est fait comme ça et pas autrement, et puis c’est quoi déjà la vie et la mort, d’où on vient, où on va etc., je ne peux quand même pas nier ma part de responsabilité si le mot même existe, si les mots existent, et si ce sont les gens, qui se servent de la langue en la faisant évoluer. Responsabilité, ça n’a pas de limites ou de formes précises, j’imagine, et très souvent, ce n’est qu’après les dégâts qu’on se rende compte, qu’on n’en a pas eu assez. Pas assez pour être un peu plus prévisible, un peu moins distrait, un peu moins négligeant.

On en parle beaucoup en Ukraine en ce moment. Les dégâts, on en a eu assez pour se rendre compte qu’on est quand même les premiers responsables. Depuis l’indépendance ce beau pays, je le dit sans aucun sarcasme au cas où, vendait ses armes, se vendait à qui offrait plus, appréciait tellement ces citoyens qu’une bonne partie s’est barré bien avant l’invasion.

Et maintenant on pleurniche bien sûr,  on pleurniche toujours car pendant ces presque 3 ans d’invasion on en est toujours là. Sans armes, sans usines. Ceux qui essaient d’en faire, parce que les ukrainiens, ils sont quand-même créatifs, ils savent inventer les choses, et bien, on envoie leurs employés au front sans réfléchir. Priorités… Quelles priorités… plutôt changer les noms de quelques rues ou enlever quelques monuments, ou défendre avec encore plus de courage la langue ukrainienne en maudissant ceux qui osent toujours parler russe publiquement, en les tabassant des fois. Ça peut toujours aider, surtout quand on demande de l’aide aux pays qui se sont battus pour leur droit de parler ce qu’ils veulent, pour leur dignité qu’on a défendu aussi, au tout début, la dignité, écrasée souvent par l’état, qu’on a défendu avec. Donc, le 20 janvier, d’accord, voyons voir. En attendant, on continue…

1000 jours ou plus que ça continue… En gros, vivre en guerre ce n’est pas si différent. En fonction de la distance par rapport à la ligne de front c’est encore un peu plus différent mais on s’habitue assez vite à toutes conditions. Les bombardements, ça surprenait au début, au bout de trois ans ça peut faire peur des fois mais cette peur ne dure pas longtemps, un coup de sommeil et on revit. Enfin, on revit, on survit quoi. C’est un marathon de survie. Jour après jour, la même routine. Jour après jour, les mêmes réflexions, les mêmes questions suspendues dans l’air, déchirées régulièrement par divers débats et relâchées dans la nature, sans réponse, avec un peu d’espoir et beaucoup de certitudes chagrinées.

Question très répétée : que choisiriez vous, une fin horrible ou une horreur sans fin ? Y a pas de bonne réponse, car la question est truquée. J’imagine, qu’il ne faut pas choisir entre seulement ces deux options qui pèsent pourtant à tel point qu’on a du mal à envisager autre chose. On attend, on fait aller. On ne croit plus au patriotisme. Certains l’expriment publiquement mais ça résonne tellement faux. Ils n’ont pas l’air très certain, ces certains. Pas mal de gens qui avaient choisi de parler ukrainien alors que leur langue maternelle était le russe, sont revenus à leurs racines. Les alertes, on ne fait plus attention, on peut le voir dans les magasins qui ne ferment plus pendant les alertes même si ça n’arrête pas de frapper. Le couvre-feu est de moins en moins respecté…

En parlant de respect, il y en a de moins en moins envers les autorités, envers le système qui n’a jamais changé pendant ces 33 ans d’indépendance. Népotisme, corruption, oui, bien sûr, ça peut surprendre, ça peut décevoir, quand certains s’enrichissent alors que les moins chanceux se battent au front. Ils ne se battent pas pour eux, certainement, mais ils font avec. Népotisme, corruption, oui, ça peut être compliqué d’éliminer, je peux comprendre, mais le comportement des autorités envers le peuple, est-ce vraiment compliqué d’être un peu plus respectueux ? Est-il vraiment nécessaire de chasser les hommes dans la rue comme s’ils étaient des criminels, en les tabassant ? En portant toujours l’uniforme de l’armée en plus lors de ces procédures d’enlèvement ? Est-il vraiment important d’humilier les gens en leur proposant à chacun au niveau national, comme si c’était quelque chose d’extraordinaire, une aide générale de 1000 hryvnia, ce qui ne fait même plus 25 euros. Il y a des gens qui ont besoin de beaucoup plus d’aide, et ceux qui arrivent à s’en sortir, ça ne va pas changer quoi que ce soit pour eux. C’était quoi ce geste de générosité perverse ? Est-il si difficile d’être un peu plus sélectif ?  Il manque des informations, peut-être sur les montants des retraites et les prix dans les magasins, les prix de chauffage et d’électricité.

Le soi-disant plan de paix, oh pardon, plan de victoire, n’a pas été pris au sérieux à l’étranger, on est maintenant en train de préparer un plan de victoire intérieur, pour le présenter à la population. Mais c’est quoi ce délire. Et c’est quoi cette victoire. Sur qui. On va gagner quoi ? Est-ce qu’il y a un mot dans ces plans sur la vie des gens après la guerre. Pendant la guerre. Pourquoi continuer, pour quelles raisons et quels objectifs ? Reconquérir les territoires ? Pour y amener quoi exactement ? Quel bonheur suprême on va leur proposer ?

Plus de 100 000 personnes sont revenus à Marioupol occupé, à Marioupol si soigneusement détruit par les occupants au tout début de la guerre. Plus de 100 000 personnes ont préféré l’occupation. Volontairement. Alors qu’ils avaient fuit à l’époque. Ce n’est pas les territoires qu’il faut maintenant regagner. C’est d’abord la confiance et la foi en son pays, en son futur, au moins. Ça commence par là. Et ceux qui ont fui à l’étranger, en Europe ou ailleurs, qui continuent de fuir, donnez-leur une seule raison pour revenir. Allez, mettez-le dans votre plan de victoire. Votre plan de paix juste et ultime.

Je me souviens très clairement des quelques premiers mois de cette invasion. Les journalistes qui étaient sur place pourront confirmer cette ambiance de certitude, de volonté commune, de résistance indiscutable. On avait tous une chose en commun, la dignité, et on la défendait, avec ce qu’on avait sous la main. On n’avait pas grand chose, mais on a pu le repousser, cet envahisseur, parce qu’il y avait cette forte raison de le faire. Tous ensemble on ne faisait qu’un seul, et bien, on est de plus en plus seul, mais chacun de son côté.

On prétend toujours que la vie humaine en Ukraine est supérieure à tout. En tout cas, il y a pas mal de gens qui aimeraient que ce soit ainsi. Et ils en discutent, publiquement, je trouve ça bien. On est loin de se cacher des problèmes, on est loin de ne pas chercher et proposer des solutions. Et on peut toujours le faire sans crainte, on peut toujours ne pas être d’accord avec ce qui se passe et ne pas être mis en prison pour cela, comme en Russie, par exemple.

Ça rame, bien sûr, c’est rarement pris en compte par les autorités, mais rien que de savoir qu’il y a des personnes intelligentes qui ne lâchent pas, qui continue de formuler, de chercher, de proposer, me laisse croire que ce pays, cette nation est très loin d’être foutu.

Essayer au moins de mettre en avant la vie humaine, avant toute autre chose y compris ce fameux patriotisme, c’est ça, que j’appellerais être un vrai patriote de son pays. Parce que si ce ne sont pas que des paroles, c’est un boulot de toute une vie. Car, c’est quoi au juste, la vie humaine avant tout ? Les conditions de vie, l’éducation, les possibilités de business, la médecine, oui, bien sûr, ça en fait partie. Mais c’est aussi et surtout le système qui est mis au service de cette vie, et pas le contraire.

La bureaucratie qui t’aide à chaque étape de ta vie, de ta naissance, jusqu’à ta mort, au lieu de te pourrir la vie à chaque occasion. Le système qui t’offre les droits et qui veille à ce qu’ils soient vraiment respectés à tous les niveaux, rien que pour te remercier que tu aies choisi de naître ou de venir vivre ici, au lieu de te manipuler et de t’humilier à chaque étape de ta vie, surtout quand tu ne peux plus rien lui donner, sois-tu retraité ou démobilisé suite aux blessures. Le système où la corruption n’a plus aucun sens, car les fonctionnaires sont rémunérés, par exemple, en fonction de leur efficacité. S’ils sont vraiment efficaces ils gagnent beaucoup plus que ce qu’ils auraient pu voler, et s’ils ne sont que des parasites, alors ils ne peuvent même pas obtenir leur poste.

Ça marche dans des vraies entreprises, pourquoi ça ne marcherait pas si on considérait un pays en tant que telle ? Une entreprise avec beaucoup d’actionnaires oui, et alors ? Ça me parait vraiment logique, si on met la vie humaine avant tout autre chose, comme on prétend toujours, sauf que, pour l’instant, on ne fait que prétendre. Il est grand temps de le réaliser, et je ne vois pas en quoi la guerre empêche de le faire.

Les hommes fuient la mobilisation parce qu’ils savent, tout simplement, qu’ils ne peuvent pas confier leurs familles au système actuel, et c’est normal, qu’ils ne veulent pas le défendre. Et je les trouve plutôt responsables ces hommes-là. Afin qu’ils aient envie d’aller mourir pour leur patrie, il faut d’abord leur donner envie de vivre pour elle.

Et qui sait, si on le réussit, il ne faudra peut-être plus aller mourir, et ces fameux territoires occupés, vont demander tous seuls leur réintégration. Là, peut-être, tous ceux qui sont tombés pour ce pays et non pas pour ce système, vont pouvoir rester en paix, où qu’ils soient.

Les Couleurs de l’Info : Ép. 2

Je dors sans arrêt depuis une dizaine de jours. Le sommeil incontrôlé est mon petit moyen pour digérer ce qui n’est pas trop comestible, qu’on est quand-même obligé de l’avaler, vu qu’il n’y a rien d’autre. Ça ne donne pas de rêves lumineux, ils sont plutôt bizarres et délirants, mais ça permet de faire un trie, en quelque sorte, de ranger, d’éplucher la vérité de l’hypocrisie, de creuser au plus profond de soi pour retrouver ne serait-ce qu’une petite source de sens pour l’avenir, car très déshydraté, assoiffé de bonnes nouvelles. Bien perdu dans ce qui se passe. Il se passe des choses bien sûr, mais à la fois, il ne se passe rien. Rien de nouveau, ni à l’ouest, ni à l’est.

Ça devient de plus en plus évident que les deux côtés du globe se sont servis de l’Ukraine pour en faire leur ring et, c’est tout naturel que ce ne soient pas les managers qui se battent. Eux, ils font leurs affaires comme si de rien n’était. Il peut y avoir des gens bien, parmi les managers, tout comme des truands, ça importe très peu. Ce n’est que du business, alors trêve de sentiments, chacun son rôle. Il fallait naître ailleurs, grandir autrement ou fréquenter d’autre milieux, pour ne pas se retrouver sur ce ring. Maintenant il faut bien que les spectateurs ne s’ennuient pas trop, car c’est eux qui payent, tout compte fait. Je ne sais pas si on va compter aux points, ou s’il faut s’attendre à un KO.

Ce combat, il y a peu de doute, est arrangé, orchestré le plus possible, mais on ne peut jamais contrôler à 100 pour cents. Et orchestré ou pas, les blessures sont bien réelles. Il faut croire qu’on va soigner celles qui sont soignables, s’il n’y en a pas une de fatale bien sûr, mais pour l’instant, ce combat est loin d’être fini. Pourtant, on aurait bien envi qu’il finisse car on est bien épuisé. Je dirais même, qu’il finisse d’une façon ou d’une autre, même si on sait que ce ne sera pas le dernier, même si on sait que les objectifs constitutionnels ne semblent plus réalisables pour l’instant, après tout ce qu’on a traversé, après tout ce qu’on a eu et surtout, après tout ce qu’on n’a pas eu.

On espère que ne serait-ce qu’une petite pause ne nous fera pas de mal, mais va savoir. Même si on arrive à s’en procurer une après ce sacré 5 novembre dont on n’arrête pas de s’imaginer des conséquences, c’est loin d’être exclu qu’elle sera trop courte pour que l’Ukraine ait assez de temps et d’intelligence pour se soigner comme il faut et surtout pour se préparer à la revanche.

Alors, vous voyez, ma dépression est bien méritée, et je ne suis pas le seul. Beaucoup de personnes en Ukraine se sentent désespérées. Ils n’avaient pas d’embarras de choix, ils étaient sur ce ring sans le vouloir, ils ont été attaqués, on leur a promis des choses par contre, mais une fois sur le ring c’est un peu le système D. Et encore, il faut balancer entre essayer de sauver sa peau et respecter quelques arrangements des autres avec celui qui t’agresse.

C’est-ce qui arrive, quand on n’est pas libre de décider de son sort, quand on est dépendant, surtout financièrement. Il y a le risque presque inévitable d’être manipulé. J’espère que ce n’est plus souvent le cas de nos jours, mais dans notre passé pas trop éloigné c’était bien courant et surtout normal que les parents décident du sort de leurs enfants, s’agissait-il du mariage, du choix de profession ou des fois même pire.

Le froid d’ailleurs commence à nous rendre ses petites visites régulières. Chaque soir il est là. Je suis assez content des nouvelles fenêtres, elles gardent bien la chaleur, je les ai installées après que l’une s’est cassé suite à un bombardement dans le centre-ville. Comme quoi, il n’y a point de mal dont il ne naisse un bien. J’avoue que je me serais bien contenté des anciennes si on pouvait éviter ce bombardement et les autres aussi.

J’aime bien cette fraîcheur revenue, elle attire des souvenirs de l’hiver, qui ne va pas tarder à son tour, ça me rappelle la neige et ce sentiment quand on a froid dehors mais on sait qu’une fois rentré, on aura chaud et alors là, ce contraste, c’est un pure bonheur. Souvent ce contraste est accompagné des fêtes de fin d’année, ce qui rend cette période un peu magique à chaque fois malgré les circonstances.

Mais bien sûr, on sait que l’hiver nous réservent aussi quelque chose de moins joyeux comme, par exemple, les coupures d’électricité qui semblent inévitables même si les voisins ne bombardent pas l’infrastructure, car le manque, causé par les attaques précédentes, est tellement énorme, qu’on ne pourra pas satisfaire la demande.

Ce n’était pas facile cet été, mais au moins il ne faisait pas froid, on pouvait sortir, se promener, planifier plus ou moins ces activités en fonction des coupures. En hiver ce n’est pas trop le cas. Moins de choses sont possibles sans électricité et on ne sait pas encore à quel point l’énergie est endommagée. Heureusement que beaucoup d’établissements ont leurs générateurs, j’espère surtout que les cliniques et les maisons de retraites en ont, car autrement ça va être une catastrophe encore une fois. Bref, on espère bien sûr le meilleur mais on se prépare surtout au pire.

Il n’est pas exclu que les coupures vont durer pendant des jours donc il faut prévoir quelques réserves d’essence, de la nourriture qui se cuit en très peu de temps, des lampes, des batteries, des couvertures et tout ça. Je ne sais pas ce qui se prépare du côté des compagnies énergétiques, si ça se trouve ils ont pu réparer quelque chose avec l’argent des prix augmentés de 3 fois, mais on a des doutes. Et oui, les prix ont bien grimpé et malgré la guerre et l’interdiction de couper quoique ce soit, si on n’arrive pas à payer à temps, on coupe le courant.

N’empêche que, ça fait réfléchir avant d’allumer une lampe de plus et ça fait ne pas oublier de l’éteindre quand on n’en a plus besoin. C’est plutôt une bonne chose pour l’intérêt général, j’imagine ? Ça permet d’économiser ? Je ne sais pas, par contre, comment les retraités, par exemple, sont censés payer leurs factures alors qu’elles dépassent bien ce qu’ils reçoivent comme retraite. Ça, on ne l’explique pas. Peut être que les retraités ne font pas partie de l’intérêt général, vu que ce sont les jeunes qui financent les retraites à travers les impôts. Et les jeunes qui travaillent, il y en a de moins en moins. La peur de mobilisation, l’économie qui part en vrille et tout ça, des petits inconvénients de guerre, quoi.

Je suis complotiste bien sûr, il faut s’éloigner des idées pareilles. On va s’en sortir, n’est-ce pas. Enfin, peut-être. On garde l’espoir. Il faut tenir bon. Je ne dirai pas tous ensemble, car ce n’est plus le cas. Et si ce n’est pas à cause de ces histoires de langues et de monuments démontés, de noms de rues qui changent sans arrêt comme s’il n’y avait rien d’autre à faire, ce sera tout simplement parce qu’on n’a plus grand chose à partager les uns avec les autres.

On survit, littéralement. La population survit comme elle peut, le gouvernement survit comme il peut. L’humanitaire, n’en parlons plus. Le financement de l’armée, je me tais. Les méthodes de mobilisation, tandis que certains hauts placés se remplissent les poches, je ne saurai guerre décrire quelle fausse commune ça nous creuse entre l’état et la population.

Espérons juste qu’on ne va pas tous glisser dedans.

On ne peut pas arrêter. Ça ne dépend pas de nous. Donc on continue. Mais on ne sait plus où on va exactement. Pour ne pas dire que l’on le sait, qu’on ne veut pas y aller, mais qu’on y va quand même. Tout comme dans cette chanson du groupe Kino, cinéma en français. Bien symbolique pour moi le nom du groupe, tout comme la chanson, car après bientôt 3 ans j’ai toujours l’impression qu’on vit dans un cinéma sans fin. Sauf qu’au début toute cette guerre me paraissait surréaliste, pas normale, et maintenant je pense plutôt à comment nous l’avons menée jusque là.

Je dis nous, je ne parle pas seulement de ceux qui sont à l’intérieur du pays. Je dis nous et je pense aussi à tous ceux qui ont bien caché leur jeu en promettant des armes et en les donnant à gouttes d’eau pour seulement faire durer. Je dis nous et je pense à tous ces crimes de guerre qu’on a laissé se produire, à tout ce massacre au front qui continuera, j’en suis sûr, jusqu’à la dernière minute de la guerre, sans un but précis, car ça n’avance d’aucun côté, ça ne fait que durer.

Je dis nous et je pense au monde entier qui continue à faire des affaires avec un terroriste, qui a occupé le pouvoir dans son pays, qui essaie d’occuper un autre pays en plein Europe, qui en a déjà occupé une parti, qui tue régulièrement des civils, à ce monde entier qui en même temps se prends aux ressortissant de ce pays qui ont fui cette dictature. C’est facile, hein, ils sont chez vous et l’autre il se cache dans ses résidences. C’est facile aussi, d’interdire aux ukrainiens de taper où ils veulent, c’est vous qui leur donnez les armes, même à goutte d’eau.

Je dis nous, et je pense aussi à tous les fonctionnaires qui s’enrichissent pendant cette guerre, au lieu de consacrer tous leurs efforts à la cause qu’ils déclarent être la seule possible : regagner les frontières de l’année 1991. Ou peut-être qu’ils parlent du mois de juillet, avant l’indépendance ? On commence à se douter.

Bref, on continue seulement parce qu’on ne sait pas comment arrêter, comme si on était dans un train qui va sûrement dérailler tôt ou tard, parce qu’on n’a pas le contrôle et la vitesse qu’il a pris en haut de cette montagne de mensonges ne fait qu’augmenter.

Ce n’est pas nouveau tout ça. Il n’y a rien de nouveau ici. On découvre juste chaque jour un peu plus de ce qui était présent dès le début. Mais ça m’étonnera toujours. Comment pouvons-nous être hypocrite à ce point ? Je dois peut-être arrêter de dire nous dans l’avenir, car ça n‘a plus de sens. Chacun son intérêt, j’imagine. 

Dans toute cette tension et incertitude, on se demande si l’Ukraine va pouvoir résister tout compte fait. Elle est tellement pesante cette tension, qu’on ne fait plus de projet à long terme. On se contente de ce qu’on peut faire aujourd’hui et demain et peut-être après-demain.

On attend toujours le 5 novembre, histoire d’attendre au moins quelque chose. On a compris qu’il ne s’agit plus de victoire totale. Certains espèrent et y croient, par habitude, mais ce ne sont surtout pas les militaires au front. Ceux qui sont au front sont un peu plus renseignés, je pense.

Les mots, les grandes paroles sont de moins en moins écoutés. Le patriotisme est de moins en moins indiscutable. Je ne sais pas, si l’Ukraine va résister en tant que pays actuel. Mais je suis certain, que la volonté, la créativité et l’âme des Ukrainiens, survivront à tout ce cauchemar.

Ce n’est pas les frontières des années 1991 qui m’ont attiré, quand j’ai trouvé mon refuge ici. Ce sont les gens, les personnes, les personnalités. J’espère juste que tous ceux qui se sont bien servi de ces maudites frontières sauront un jour s’excuser.

Ce sera la moindre des choses, après tant de tragédies humaines.

Les Couleurs de l’Info : Ép. 1

Je lis en ce moment Les Russkoffs de Cavanna. Comparé à ce qu’ont vécu les gens lors de la deuxième mondiale, celle-là me paraît de suite moins cruelle, plus distinguée même, délicate. Et pourtant, des meurtres, des horreurs, y en a. Chaque jour.

Ou peut-être c’est parce que je vis loin du front et ne risque que des bombardements sur la ville, et encore, par seulement certain type de missile qui nous viennent de temps en temps de Crimée avant même que l’alerte sonne. Va savoir.

En tout cas, on ne fait plus attention, on sait que ce n’est qu’un mauvais moment à passer et on cherche d’autre sens pour justifier son existence. On creuse dans le futur, qui n’est pas trop certain, on ne sait pas trop où on va, juste la direction plus ou moins.

Mais voilà, il semble naturel qu’elle finisse. Et puis la vie reprendra. Et puis d’autres nous tomberont dessus un jour ou l’autre, si on n’est pas assez préventif et mâlin. Ça va sûrement arriver, car on ne peut pas s’en passer, nous les humains. On dirait que ça nous amuse. On dirait que ça nous sert à quelque chose. On essaie de trouver une raison, car ce serait bête de s’entretuer sans aucune raison valable. Mais on le fait, on s’entretue. On se trouve des raisons, des excuses, alors qu’on est peut être tout simplement con.

Pas individuellement, non. On peut être très bien, intelligent et tout, mais dès qu’on se réunit au sein d’une grande communauté, telle qu’un pays, c’est très rare qu’on se partage nos intelligences, ce serait trop beau. L’intelligence, c’est lourd, beaucoup plus lourd qu’une bêtise. Beaucoup plus compliqué et nuancé. C’est une responsabilité aussi, car très fragile. La faire passer à quelqu’un et ne pas la briser en la passant, c’est une tâche des fois impossible à l’échelle nationale, car celui qui la reçoit doit être assez fort lui aussi pour pouvoir l’accepter sans la faire tomber.

Alors on se partage des choses simples, légères, qui ne demandent pas d’être responsable, qui ne nous demandent que d’avoir les oreilles et les yeux. Et ça rentre, ça s’installe, ça fleurit. Plus ça fleurit, plus ça te déchire et te voilà un jour prêt à déchirer les autres. Et puis, à en croire les psychologues, on est tous traumatisés depuis l’enfance, on a plus ou moins tous des boutons sur lesquels on peut appuyer avec de la propagande.

Et il suffit d’un connard sans cœur qui s’empare du pouvoir pour appuyer et nous transformer en une force qui rase tout sur son chemin. Il suffit de convaincre. Et maintenant avec nos technologies d’aujourd’hui c’est encore plus facile et plus rapide. Des convaincus d’ailleurs deviennent souvent des cons vaincus. Seulement, ça n’arrive qu’après les dégâts irréparables.

Mais c’est aussi leur petite chance de devenir moins cons au moins pour un moment, car quand tes illusions se cassent le masque contre la réalité, tu vois beaucoup plus clair. Ça te tape si fort que toutes ces choses inutiles, mais nourrissantes, sortent comme si t’avais une diarrhée d’oreilles. Mais il faut taper vraiment fort, sinon ça ne fait que de la mousse.

Comme par exemple cette escalade de l’armée ukrainienne vers Koursk : ça a eu son petit effet local, mais ça n’a rien changé en général. Peut-être, ce n’est que le début, mais encore une fois : combien de temps encore et quelle addition vas-t-on payer pour permettre, cette fois aux russes, de se débarrasser de cette connerie semée et cultivée soigneusement par leur propagande qu’on ne peut pas supporter plus que 2-3 minutes, si on n’a pas l’habitude, qui donne envie de vomir, mais qui est très bien digérée si on arrive à s’y mettre comme à tout autre poison : clopes, alcool, drogues ? On va attendre quoi ? Que ce cancer devienne irréversible ? On n’a pas eu assez d’exemples dans notre passé ? On se croit plus chanceux ? Ou on s’en fiche tout simplement ?

Pourquoi interdire aux ukrainiens de se défendre comme ils veulent ? Pourquoi modérer si soigneusement la livraison d’armes ? Sûrement par l’intelligence que nous ici ne sommes pas capables d’accepter à notre niveau, on n’est pas assez fort pour porter un tel poids. Alors on fait simple : on essaie avec ce qu’on peut et on râle. Et on a de plus en plus envie que ça finisse tout simplement, peu importe comment, mais que ça s’arrête. C’est ça le but, j’imagine ? La victoire de l’Ukraine n’a jamais été le but ? La Russie reste un partenaire précieux, malgré tout ?

Mais bon, je parle comme si la victoire, la libération ou la disparition de l’Ukraine dépendait seulement des autres pays. Et pourtant, c’est plus ou moins ça. On attend sérieusement les élections aux États Unis comme si c’était bien les nôtres, sauf qu’on n’a pas le droit de voter cette fois. Chez nous on n’a pas eu ce droit non plus, mais… c’est autre chose, c’est la guerre donc on change rien tant qu’elle dure, au cas où.

Dans mon métier de programmeur il y a une phrase, assez vraie d’ailleurs : peu importe comment, si ça marche, n’y touche surtout pas, au risque de tout casser et devoir refaire. Seulement arrive un moment où tout se casse tout seul et tu es quand-même obligé d’intervenir. S’il y a assez de temps et de ressources il vaut mieux refaire de zéro, mais si c’est urgent, tu ne fais que réparer, sachant que ça va se casser la gueule un jour ou l’autre.

Depuis l’indépendance, au lieu de tout refaire de zéro, comme c’était plus ou moins le cas des pays baltes par exemple, l’Ukraine a préféré garder ce vieux code soviétique, écrit par d’autres, en changeant juste les noms des fichiers, en ajoutant juste quelques arrangements pour sembler autonome au moins de face. Alors que ce vieux code soviétique depuis des décennies était basé sur des syntaxes KGBistes.

Le FSB devenu SBU sans licencier personne. Les politiques communistes sont devenus libéraux, sans changer de politique. Cette histoire de langues : russe, ukrainienne, va savoir d’où elle vient. Surtout pas des citoyens parce qu’ils s’en foutaient pas mal, ils parlaient ce qu’ils voulaient. L’arme nucléaire, donnée contre un PQ de marque hongroise, n’en parlons même pas. La confiance règne, surtout quand il s’agit de l’indépendance d’un pays. Les militaires russes qui louaient littéralement la Crimée jusqu’au jour où ils l’ont pris.

Sans parler des lois, même nouvelles, même après l’invasion à grande échelle, qui répètent souvent ce qui est voté comme lois en Russie, qui elle, non plus, non seulement a également gardé toutes ces vieilles habitudes de l’URSS, mais qui a à sa tête depuis 25 ans déjà un KGBist.

C’est non seulement parce qu’ils ont peur, les Russes, des lois internationales qui disent que tout pays déclarant une guerre, devient automatiquement un paria, qu’ils ont appelé ce qu’ils font Opération Spéciale. C’est qu’ils croyaient vraiment que ça allait l’être. Si ça n’a pas marché comme prévu, c’est seulement grâce au peuple ukrainien, qui n’a pas voulu qu’on lui impose quoi que ce soit, dont les illusions se sont cassé la gueule contre la réalité et ils ont dû sortir ce qu’ils ont vraiment sous la peau. Et aussi grâce à la disparition totale des politiques pour un moment.

Pendant ces quelques mois, les ukrainiens se défendaient comme des guerriers, parce que le pourquoi était bien clair, bien évident. Armes ou pas, ils voulaient protéger leur pays ne serait-ce qu’avec des fourchettes. Il n’y avait pas de lois, pas de système et tout fonctionnait quand-même. Quelle chance de tout reconstruire de zéro… 

Maintenant, pour mobiliser, il faut attraper les gens dans la rue, comme des voleurs, parce qu’on ne sait plus où on va. Et les gens, ça se sent, se croient trahis. Plus de liberté, démocratie mon œil, à l’abattoir tous, au moins jusqu’aux élections… dans un pays lointain.

Ça va faire 30 mois déjà, qu’on marche, qu’on tue, qu’on crève. Qu’on crève même sans marcher, en se faisant des rêves quand des missiles et des drones nous rendent visite pratiquement chaque nuit. Et des fois en plein jour.

Dans les médias étrangers, on ne parle plus trop en détail de ce qui se passe. Même ici on oublie le lendemain, parce que ça ne choque plus. Combien y-a-t-il eu de morts à Poltava, à Lviv récemment ? 50 ? 200 ? Kiev en plein centre-ville c’était bien cet été ou il y a un an ? Tiens, ce mercredi les Ukrainiens ont fait sauter un stock d’armement en Russie, ça a fait un boum pareil à une explosion nucléaire. Ça a même produit un tremblement de terre. Dans combien de temps on va l’oublier ? Le barrage de Kakhovka, catastrophe écologique, on n’en a même pas assez parlé, ça s’est passé inaperçu. 

Mais détrompez-vous, ce stock détruit, ce n’est pas pour apprendre aux russes quoi que ce soit, ça permettra juste d’éviter peut-être quelques morts de civils en Ukraine pendant une semaine ou deux, parce que les russes nous les auraient envoyé ces missiles dans nos immeubles résidentiels, et comme on n’a pas assez de système anti-aériens, ça nous arrange.

Et ce n’est pas la première fois que les ukrainiens arrivent à faire sauter quelque chose sur le territoire russe. Je ne pense pas qu’ils vont se mettre un jour à bombarder les civils comme le font régulièrement les russes en Ukraine, mais plus ou moins la guerre est bien présente là-bas aussi, et c’est bien logique après tant de temps. Bien spéciale cette opération spéciale de poutine.

Bref, comme toute guerre, celle-là se répand. On est bien tous là-dedans. Peut-être plus ça s’intensifie, plus vite ça va finir ? Comme s’il s’agissait d’un pus qu’il fallait d’abord extraire jusqu’à la dernière goutte ? Si c’est ça, dommage que les armes ont toujours été livrées à goutte d’eau, ça se serait intensifié plutôt et ça permettrait d’en finir plutôt.

Afin que ça ne devienne pas à cent pour cent la routine, je me rappelle souvent du début, du choc qu’on a eu. J’aimerais que vous écoutiez ce court entretien avec Alina, une Ukrainienne de Marioupol, ville russophone, que les russes sont venus soi-disant sauver des soi-disant nazis, en la rasant complètement.

Le Fin Mot | Épisode 5

J’ai commencé à envoyer mes chroniques à RTBF il y a presque deux ans, en novembre 2022, suite aux coupures d’électricité, qui duraient à cette époque pendant des journées entières. C’était tout nouveau. Moi, programmeur dont toutes les activités sont dans l’ordinateur, je ne savais pas trop quoi faire de ce temps libre dans le froid et dans le noir. Je n’avais même pas de carnet, ni de stylo. Je ne sais pas ce qui m’a pris d’écrire directement en français. Je ne l’ai jamais fait avant. Ce n’est pas ma langue maternelle et j’ai toujours des lacunes, je manque souvent de vocabulaire. N’empêche que, quand j’écris ces notes, les paroles viennent toutes seules, les réflexions et les conclusions se font toutes seules également.  Et à chaque fois c’est une découverte. Bref, pour moi ça reste un mystère. Et je suis loin de penser que ça vient de moi. Je m’ennuyais juste. Je voulais juste noter ce qui se passait autour de moi. Mais le destin a voulu que je continue, et grâce à ces petites chroniques plus ou moins régulières, avec les auditeurs de RTBF on a pu effectuer pendant ces deux ans plusieurs missions humanitaires, on a aidé les gens, on n’a pas été inutiles sur cette planète ne serait-ce que pour cela. Ne serait-ce que pour ces quelques sourires des gens dans le besoin, auxquels on a pu faciliter un peu leur épreuve. Et puis, j’ai vu le soutien des gens qui ne me connaissait même pas avant que je passe à la radio. Les dons bien sûr, c’est très important et ça a rendu possible ce qu’on a fait, mais surtout, leurs lettres, leurs petits mots qu’ils mettaient dans les commentaires accrochés aux virements. Ça m’a beaucoup changé. Je pense que je vais passer à travers toute ma vie la conclusion qu’il y a plus de bien chez les humains, que de mal. Et peu importe la suite, ça me fera toujours chaud au cœur, longtemps après cette guerre, qui finira tôt ou tard, comme toute autre guerre, emmenant dans l’oubli les victimes, les frontières, les accords. Tout recommencera. On aura sûrement un peu de tranquillité, un peu de repos, pendant quelques années ou quelques dizaines d’années si on est chanceux, en tout cas, jusqu’à la prochaine guerre. Qui commencera sous un prétexte encore une fois bidon, pour satisfaire encore une fois quelques égos insatisfaits, pour des raisons qui ne tiennent pas debout, qui ne valent pas une seule vie humaine sacrifiée, mais qui en prennent souvent des millions. Il y a plus de bien que de mal chez les humains, mais pour déclencher une guerre, on le voit depuis toujours, il suffit de peu. Il ne faut pas trop rêver non plus.

C’est marrant, je viens d’y penser, mais parmi tous ces gens qui nous ont soutenu pendant ces deux ans je n’ai pas remarqué un seul message d’un politicien. Ils n’écoutent pas la radio peut-être, ils ont sûrement autre chose à faire, ils ont sûrement un autre front que nous tous. Ça se voit très bien ici en Ukraine. Il y a des gens qui se battent au front, il y a des civils, qui participent en fonction de leurs moyens ou essaient juste de survivre, qui en souffrent beaucoup de cette guerre, et il y a des politiciens qui prennent des décisions ou, plus souvent, ont peur de prendre une décision. Et les décisions qu’ils prennent, il est rare que tout le monde en soit satisfait, donc autant prendre les bonnes, vu que les gens ne votent pas pour ça, ils votent pour les promesses. À quoi bon essayer de plaire, pourquoi ne pas essayer plutôt d’être efficace ? Ou peut-être ils essayent, mais n’y arrivent pas, qu’est-ce que j’en sais, qui suis-je pour les juger. En tout cas, je n’ai jamais vu un civil ou un militaire commencer une guerre. Des bagarres oui, mais une guerre, c’est toujours ceux qui dirigent les masses, qui les manipulent. Et on suit, ça doit faire partie de notre nature, sinon pourquoi on suivrait ? Bref, maintenant les politiciens nous guident pour faire la paix avec la Russie. Ils nous ont menés jusqu’à la guerre, maintenant ils en ont marre et ils veulent une pause. On aimerait bien, mais comment ? Vous avez vu les conditions qui ont été déclarées par l’autre ? Je doute que les hommes politiques en Ukraine aient le courage de perdre encore plus la face. Pareil pour les occidentaux, donc ça va encore durer un moment. Ça va encore emporter des vies, et ça finira de toute façon par un compromis, et je ne serais même pas étonné qu’on revienne à ce que c’était le 23 février 2022, la veille de l’invasion. Parce que l’Ukraine n’a jamais eu les moyens de se défendre contre la Russie, et l’Occident, malgré ce mémorandum de Budapest qu’on devrait imprimer sur le papier de toilettes pour bien se souvenir à chaque fois de ce que c’est : les promesses, même signées, il n’a jamais eu l’intention de protéger l’Ukraine jusqu’au bout. Il n’a jamais eu l’intention de détruire la Russie, de punir l’agresseur, d’aller jusqu’à Moscou leur donner une leçon de prise de conscience. Ce n’est pas difficile à comprendre, ça saute aux yeux, au bout de deux ans et quelque. Vous vous souvenez de ce qu’ils disaient les politiciens au troisième jour de la guerre, quand l’Ukraine a pu résister quand même rien qu’avec le courage et l’enthousiasme ? C’est beau ce qu’ils disaient. Ça flatte. Ça flatte toujours. Mais c’est faux, ils s’en fichent complètement. C’est leurs mandats qu’ils défendent, et encore, à goutte d’eau.

Mais détrompez vous, je n’essaie pas de blâmer les hommes et les femmes politiques, ils ont leur place dans ce monde sous telle ou telle forme depuis toujours. Le monde est comme ça, c’est tout, il faut juste ne pas l’oublier quand on vous bombarde de slogans, pour au moins essayer d’éviter d’être bombardé un jour par autre chose. Et si on n’a pas su l’éviter, une guerre, ce n’est pas très compliqué non plus. C’est cruel, méchant et toujours injuste, mais pas compliqué. Ni à comprendre, ni à vivre dedans. C’est risqué, c’est vrai, ça bouleverse, surtout au début, mais avec le temps on s’y habitue, l’humain a survécu dans des conditions beaucoup moins confortables et stériles que nous permettent les guerres d’aujourd’hui. Enfin, pas tous, mais, l’humanité, il ne faut pas s’en inquiéter (Comme pour la planète d’ailleurs… Mais bon, c’est un autre sujet) Ce qui devrait nous inquiéter vraiment, c’est des slogans. Examinez-les bien, avant de les suivre, ça peut sauver des vies. En vous le disant, je me rappelle encore une fois le début de mes chroniques à la RTBF. Elles étaient courtes, écrites à la main, enregistrées avec un vieux téléphone, tout le monde parlait encore de l’Ukraine, et je lançais moi-aussi des slogans, je blâmait cette injustice, je criais presque, ça me déchirait de l’intérieur. Je vous propose de réécouter l’une des premières.

Je vous envoie toutes ses paroles depuis une cave, ce fameux point d’invincibilité, dont je rêvais dans cette chronique que vous venez d’écouter. On l’a construit, c’est vrai. Il a servi, c’est vrai. Et ça continue à servir, car les coupures d’électricité ont repris avec encore plus de force, on a droit chaque jour à une moyenne de 8 heures d’électricité sur 24, par petites doses, et ce n’est pas encore l’hiver. Il fait chaud, pendant la nuit on n’en a pas trop besoin, et quand il fait jour, on se promène plus, on lit plus, on profite plus du beau temps. On aimerait bien travailler plus, car l’argent, ce n’est pas ce qui est de trop en temps de guerre, mais c’est vraiment difficile, l’économie est en chute terrible et les gens sont démotivés. Et puis, ces coupures, ça détruit les business. Moi-même j’ai dû jeter du congelé pour une somme bien ronde, car tout a été décongelé, donc devenu non comestible. Du coup j’ai fermé ce business des kiosques à croissants que je venais à peine de reprendre, ce n’était déjà la folie en temps de guerre et si en plus on ne peut pas avoir du courant… Au moins j’ai ramené le four, le congélateur et la machine à café à ce point d’invincibilité. J’ai équipé une petite cuisine, ce sera une chose de plus pour les gens qui viennent ici pour profiter de l’électricité, qui nous est fourni par le générateur, offert généreusement par un auditeur belge, en février 2023. On a aussi une machine à laver, une douche et beaucoup de tables, chaises et prises électriques. Tout pour essayer d’être autonome pendant une bonne période. Surtout en hiver, avec ce froid qui va transpercer la ville. On s’en souvient, on se prépare, comme on peut. Moi je suis encore une fois retourné vers la programmation, un métier qui m’a toujours nourri. Qui a permis entre autres, de financer ce point d’invincibilité, qui a coûté beaucoup plus qu’on a pu récolter en dons, dont je ne remercierai d’ailleurs jamais assez les auditeurs de RTBF qui ont participé à la cause. Je ne remercierai non plus pas assez l’équipe de RTBF qui a participé, je le sais, également, et qui continue en plus de s’occuper de ces chroniques. Ce qui nous fait tenir encore et encore, malgré toutes ces difficultés, c’est de savoir que malgré l’oubli et la fatigue dans lequel l’Ukraine est en train de plonger, il y a des gens, qui ne sont pas indifférents. Et même si ce n’est plus un feu de résistance de l’année 2022, même s’il n’en reste qu’une petite flamme de bougie, fragile et sensible au vent qui frappe à travers la fenêtre toute aussi fragile de la ligne du front, on va tenir. Le temps qu’il faudra. Car on n’a pas le choix. Rien n’a changé de ce côté.

Petite lettre d’Odessa

Bonjour à toutes et à tous.

J’espère que vous allez bien. Moi j’ai bien passé une petite période de déprime quand-même. Entre les coupures auxquels on a été obligé de se réhabituer, les bombardements qui n’arrêtent pas, les sources de revenus qui ne sont pas encore créés et ma mère qui est restée toute seule en Russie avec ma petite sœur de 3 ans sur les bras, entre tout ça j’ai failli me perdre, je l’avoue.

J’ai quand-même pu avancer pendant cette semaine, mais on en reparlera plus tard. Sinon je vais me plaindre beaucoup, je préfère éviter. Si tout se passe bien, le deuxième kiosque va être ouvert avant la fin du mois. Pour le premier j’ai négocié la baisse du loyer et on va le garder pour l’instant comme ça, fermé. C’est moins cher que tout démonter et il y a un espoir qu’on pourra quand-même le réanimer prochainement.

J’ai une bonne nouvelle. J’ai trouvé le fameux financement du projet, de la partie médiatique, dont je rêve toujours. Le financement de nos missions humanitaires aussi. Le financement de mes futurs projets humanitaires qui me coûterons des fortunes, mais je veux absolument les réaliser de mon vivant.

Je parle de moi. De mes capacités, de mon expérience, de mes contacts et surtout des projets business que j’élaborais depuis des années, depuis que j’ai quitté la Russie. Je ne les ai jamais lancés, même si j’y ai consacré du temps, parce qu’à chaque fois je me rendais compte, que je ne pourrai pas m’en occuper tout seul. J’avais aussi la confiance en moi un peu cassé, donc je me contentais de ce qui rapportait de suite : le travail de développeur pour un/deux clients à long terme.

Et mes projets, à moitié développés, je les mettais toujours de côté, dans ma boîte magique qui s’appele «plus tard».

Et bien le plus tard est arrivé. Comme toujours dans mon cas, grâce à des femmes. Grâce à ma mère et ma petite sœur qui vont galérer à en sortir toutes seules. En sortir de leur nouvelle situation et de ce pays, qui va les manger, si je ne les sort pas bientôt. Et grâce à une femme que je connais depuis déjà quelques mois, une russe, qui habite aussi Odessa depuis 5 ans. Je vous la présenterai bientôt, elle s’appelle Julia.

Et c’est ma nouvelle partenaire de business.

Elle avait déjà essayé de joindre le côté médiatique du Kiosque, elle a déjà fait quelques vidéos de son émission qu’on va lancer dès qu’on a les moyens pour ça. Et il y a quelques jours on s’est vu, on échangeait sur l’argent, les projets et tout ça, et on a tout les deux eu ce déclic. Parce que non seulement on a les valeurs qui correspondent, les situations qui se ressemble et puis on est déjà devenu des bons amis, on se fait confiance, mais aussi et surtout, on fera bonne équipe, parce que nous nous complétons.

Et ce qui m’a faire fondre : elle rêve aussi d’ouvrir un refuge pour animaux, quand elle en aura les moyens. Et moi j’ai un projet des refuges pour animaux qui l’a fait fondre à son tour. Autonomes, qui existeront pendant des siècles. On en reparlera au moment voulu.

Bref, on a assez vite révisé tous mes projets semi-faits, on a élaboré la stratégie, et on s’est mis au travail. Ce sera notre petite empire médiatique et numérique. Plusieurs branches, qui poussent du même arbre, tous ces projets seront liés et s’entraideront.

Je ne vais pas rentrer dans les détails de suite, ça n’a aucun sens. Mais je peux déjà vous annoncer que la première chose qu’on va faire c’est lancer une agence de développement de sites web. C’est ce qui peut nous rapporter des revenu là maintenant. Moi je ferai le code, elle vendra et s’occupera des clients, et très vite je pense on va embaucher les gens pour ces deux activités et avancer dans d’autres branches prévues.

On commence par cela, car non seulement c’est ce que je fais depuis mes 17 ans et j’ai donc l’expertise et le savoir-faire, mais parce que j’ai aussi des morceaux de code que j’ai créés avant, qui permettent de lancer un site assez complexe du genre communauté, média, site d’avis et toutes sortes de portails, donc le développement se fait en très peu de temps, ce qui nous laisse une marge assez importante et permet en même temps de faire des prix intéressants pour les clients. Ils ne trouveront pas moins cher si vite fait et de cette qualité. Développer une communauté à partir du zéro peut prendre plusieurs mois, voir un an ou même plus. Nous, on peut le faire en deux semaines, et encore, avec le temps on pourra augmenter la vitesse.

Je finis notre site où seront présentés nos services et je vous envoi le lien, car si jamais vous nous ramener des clients pour le développement, vous aurez une commission de 10%. Ce qui peut faire des montants assez importants, donc pourquoi pas vous remercier de cette façon. Il y a des gens qui gagnent leur vies avec des commissions comme ça.

Et encore une chose.

Je ne vais pas bien sûr abandonner mes podcasts, ni le projet Kiosque, ni nos missions humanitaires actuelles qu’on essaie de continuer malgré tout. Je vais vous en parler, vous montrer ce qui se passe ici, ce que nous faisons. C’est devenu une partie importante de ma vie, mon grand plaisir qui réchauffe toujours le cœur, et pas que le mien.

Mais je ne vais plus jamais vous demander des dons.

Il y aura toujours les liens pour participer en bas de mes lettres et sur mon blog, vous pourrez toujours participer, si le coeur vous en dit. Et c’est vrai que les problèmes, y en a toujours. Même si on a réussi pas mal de missions ensembles, ce ne sera jamais assez, vous le savez très bien. Même quand la guerre sera terminé (et elle le sera, il n’y a pas de doute), on ne vas pas abandonner cette nouvelle partie de notre vie, on va même fonder une vraie association, mais qui ne vivra pas elle-même des dons, comme font beaucoup d’autres. Aucun employé ne sera payé des dons reçu des gens.

Mais voilà. Demander de l’aide, ni pour moi, ni pour les autres, je n’en peux plus. J’ai honte. Je me trahis un peu, car ce n’est pas ma vraie nature. Vous remercier, par contre, pour tout ce que vous avez déjà fait, je veux bien. Je n’arrêterai jamais de le faire. Ça ne s’oublie pas.

Vous êtes des personnes merveilleuses, avec un grand cœur, qui rendent ce monde meilleur.

Merci d’avoir lu ou écouté cette lettre.

Bien à vous,
Artem.

P. S. Je vais bientôt écrire la prochaine chronique pour RTBF, la dernière de cette série dans le Fin Mot, si j’ai bien compris, après c’est les vacances d’été. Et je pense que je ne pourrai pas vous écrire avant la diffusion, qui aura lieu, normalement, le 21 juin, donc sauf changement, prochain rendez-vous à la radio.

Снежинки

Le Fin Mot | Épisode 3

Oh, cette guerre. Rien que de répéter ce mot me gonfle à chaque fois. Envie de se cacher, envie d’oublier… Tout à fait normal, mais on ne peut pas. Pas parce que c’est impossible. Juste parce qu’on vit dans un monde réel, que l’on le veuille ou non, et ça en fait partie.

Quand je reçois une demande de collecte de fonds, je passe par plusieurs étapes avant de pouvoir le faire. Ça me bloque pour un moment. Je vois le message, mais je ne le lis pas de suite. Je sais que je ne vais pas refuser, mais il me faut du temps.

Je me blâme d’abord de ne pas avoir assez de fonds moi-même pour juste envoyer ce qu’il faut et ne plus en parler. Je me blâme ensuite de ne pas avoir assez utilisé ma voix, mon écriture, pour agrandir la liste de gens qui se sont abonnés à ma lettre d’information, de ne pas avoir assez de notoriété, si j’ose dire, alors que je pourrais : je vois les lettres et les dons es gens. 

Le problème est qu’ils ne sont pas si nombreux pour ne pas remarquer que ce sont toujours les mêmes personnes qui participent donc à chaque fois j’ai l’impression de les dérober, ça me fait sentir comme si j’étais un mendiant. Je me sens tout nu. Et puis, je me dit souvent que j’oublie nos amis aux front, qui nous protègent chaque seconde, chaque jour, et que je me permet trop quand je fais mes courses, quand je sors avec les amis, quand je bois tranquillement mon café du matin en face, parce qu’il est bon, parce qu’il fait beau, et la serveuse est belle. Je travaille, j’ai bien le droit, mais eux ? Ils travaillent beaucoup plus, et ils risquent leur peau pour nous, et ils sont en manque permanent de tout. Même le plus nécessaire. Sans parler des armes. 

Je me sauve pour un moment dans la poésie, dans les livres, dans le bois. Je chante, je m’amuse, je fais quelque chose qui me fait plaisir, qui me ressource. Et ce n’est qu’après que j’écris. Ce n’est qu’après toutes ces réflexions que j’ose demander de l’aide aux gens. Je me dis que, s’ils sont toujours là à me suivre, c’est qu’ils pensent peut-être comme moi : on ne peut pas abandonner. Pas parce qu’on n’a pas le droit. Juste parce qu’on ne peut pas autrement.

Et puis j’écris, les paroles viennent toutes seules. Les gens répondent, participent. On arrive à réussir telle ou telle mission. Ça fait plaisir. Ça fait chaud au cœur. C’est pas grand chose à première vue, mais.. Essayer de créer une fleur par exemple, une toute petite fleur. À partir de rien, sans rien sous la main. Et pourtant, quelqu’un l’a bien créée, non ? Quelqu’un l’a trouvé pas si inutile que ça, pas si petite, assez importante et même indispensable pour se donner la peine, ou plutôt le plaisir de la créer. 

Quelqu’un, qu’on connaît pas trop, mais qu’on aimerait bien connaître. Moi en tout cas je suis très curieux. Je le cherche partout celui-là, dès que je m’en souviens et c’est vrai que, si on regarde bien, il est quand-même bien présent. Il est bien là, dans chaque petite chose, dans chaque petite action. Ne lui donnons pas de noms au cas où, pour ne pas se déchirer. C’est bien humain de se déchirer à n’importe quelle occasion. C’est bien humain aussi de nier son existence, mais bon… pour lui ou elle ou eux (je ne suis pas encore fixé la-dessus, c’est encore notre truc humain, on adapte tout à notre niveau, à nos capacités et différences), je ne pense pas que ce soit si grave qu’on ne s’en rend pas compte à chaque seconde de notre existence. Mais quand-même, est-ce que vous avez essayé de bien vous regarder droit dans les yeux devant un miroir ? Pendant un bon moment ? On se maquille, on se prépare, on vérifie si on est assez beau pour sortir, mais on évite de se regarder dans les yeux.  Alors que tout est là. Quand quelqu’un est mort, ils sont bien vides ses yeux. Ils insistent même à manifester que cette personne n’est plus limitée par son corps. Alors tant qu’on est là, fixé dans ce truc incompréhensible qui est notre corps, profitons. Surtout quand on est avec quelqu’un. On peut passer toute une soirée sans se regarder dans les yeux. Des fois, toute une vie. C’est très dommage. C’est beau, c’est direct, c’est honnête les yeux. Cruel des fois. Mais ça reflète bien l’essentiel. Sans même dire un mot.

Les soirées, d’ailleurs, on en fait beaucoup en ce moment en Ukraine. On a bien compris, que la vie est courte et qu’il ne faut pas s’enfermer dans son cocon. Un monsieur assez connu a dit que l’enfer c’est les autres. Moi je pense, que les autres, c’est bel et bien le paradis. En chair et en os. Et les yeux bien sûr, faut jamais oublier les yeux. Si vous croisez un cosmonaute qui a vu notre terre bien aimée et très mal traitée de loin, demandez-lui ce qu’il y a de plus intéressant dans l’espace. Il vous dira, je suis sûr, que c’est les autres cosmonautes. Les autres, ce n’est pas une torture, c’est au contraire, un pure plaisir. Si on est soi-même bien sûr. S’il faut jouer, mentir, prétendre… même pas la peine, on a très vite envie de retrouver son cocon. Mais ce qui est bien aussi après plus de deux ans sous les bombardements pratiquement quotidiens, c’est qu’on a de moins en moins besoin de mensonges, d’hypocrisie. Ça se nettoie petit à petit, beaucoup de gens ont retrouvé leur vrais envies, se sont mieux compris, ne gaspillent pas le temps et l’énergie pour les choses qui ne sont pas les leurs. Automatiquement ils sont plus heureux et moins embêtants pour les autres. Ils ont de moins en moins besoin de mentir, de jouer et de se faire passer pour ce qu’ils ne sont pas. Et finalement on peut remarquer qu’il y a quand même plus de bien que de mal dans les humains. Le mal, en fait, c’est le mensonge, c’est la poussière, qu’on a accumulée pour soi-disant se protéger (ce qui est aussi un gros-gros mensonge) et qui s’enlève très facilement, si on le veut bien, ou si on nous force bien. On n’a pas à avoir honte de ses actes, de ses choix. De son corps surtout. Ou son lieu de naissance. Ses parents. Sa famille. Ça, on ne l’a même pas choisi en plus. On n’a pas à avoir peur d’être jugé (surtout si c’est par le tribunal de La Haye pour certains, permettez-moi de rêver un peu). J’ai remarqué aussi, que les gens qui ont compris ça, qui ont retrouvé plus ou moins, leur propre chemin grâce à l’enlevage de toute cette poussière, sont aussi moins inquiets. Ils n’ont plus besoin de mentir à soi-même et aux autres, du coup ils n’ont plus peur de ne pas vivre assez longtemps pour pouvoir finalement être en accord avec leur âme. Ils font ce qu’ils veulent dans cette vie. Ils ne font pas ce qu’il ne veulent pas. Ils n’ont pas à s’excuser, à se culpabiliser, à se victimiser non plus. Ils se sentent heureux quand ils se réveillent, quoi. Mourir là, maintenant, ou après, c’est juste qu’on s’amusera moins ou plus, c’est tout. Parce qu’ils amusent ces gens-là, malgré tout. Ils bouffent la vie comme si c’était un délicieux gâteau qu’ils pouvaient enfin s’offrir, un gâteau dont ils entendaient parler depuis longtemps, mais dont le seul endroit où ils pouvaient le goûter était si loin qu’ils n’y étaient arrivés que maintenant, à travers les montagnes, les mers, les fleuves et les champs. Et ils en profitent. Ils y vont à toute vitesse. Et une fois le vrai chemin retrouvé, ils ne vont plus le lâcher. Pas la peine d’essayer de leur arracher ce gâteau. Ils vont vous bouffer avec. Ils sont très passionnés ces gens-là. Et ça se voit de loin même s’ils sont fatigués. Il suffit de regarder dans leurs yeux. Faut jamais oublier les yeux. C’est très important les yeux, je vous ai déjà dit.

Ce qui est très bien aussi, quand on enlève sa propre poussière, c’est qu’on voit très bien celle des autres. Sans juger hein, attention. On n’en a rien à foutre franchement, quand on est heureux. Mais on la voit. Et on trouve injuste qu’elle ne soit pas enlevée. Ça gratte de l’intérieur. On attend une occasion pour la retirer amicalement, sans embêter la personne, sans interrompre la conversation, juste parce qu’on l’a remarqué et la personne est belle et la poussière ne lui va pas du tout et pourquoi donc ne pas l’enlever et puis on n’en parle plus on continue notre conversation. Il y en a beaucoup. En Ukraine, en Europe, en Russie, aux États-Unis ou ailleurs. En fait, ce qui se passe en ce moment en Ukraine, ça arrange tout le monde. C’est toujours le mensonge, l’hypocrisie qui dirige ce monde. C’est toujours les intérêts, qui valent plus que les être humains. Cette poussière d’égos bien gonflés qui est depuis toujours sur les épaules de ce monde. Allez retrouver quelqu’un dans la rue qui est heureux, qui est bien d’accord avec soi-même, qui fait ce qu’il a envie de faire dans cette vie. Vous le reconnaîtrez facilement par ses yeux (faut jamais oublier les yeux !) Demandez-lui s’il faudrait bien faire la guerre à quelqu’un à cause de ce que vous voulez : la langue, la nationalité, le territoire, la justice historique, le terorisme, l’immigration, la couleur de la peau, la couleur des poils sur le dos (pourquoi pas?), la religion bien sûr (j’ai failli oublier), le manque de pouvoir, la rancune, la tristesse, l’amour à la fin. Trouvez-lui n’importe quelle excuse, n’importe quelle prétexte que vous croyez grave et justifié. Et posez-lui bien cette question. Et souvenez-vous bien de son regard. Parce qu’il ne vous répondra même pas avec des mots. Rien qu’avec les yeux, qui vous diront tout.

Allez retrouver cette même personne encore une fois et posez-lui une autre question. Est-ce qu’il faut se défendre, si on te fait la guerre. Si on tue et viole tes compatriotes, en te bouffant le territoire, rien que pour le plaisir ou parce qu’ils n’ont pas aimé l’occupation ou ne trouvent pas juste de changer de citoyenneté par force. Si on bombardent les immeubles en pleine nuit où les hommes, les femmes et les enfants dorment. Pendant les alertes oui, parce qu’on ne les entend plus, tellement c’est devenu une habitude. C’est ce qui est arrivé à l’Ukraine. Vous le savez très bien. Les excuses et les prétextes des Russes ne justifieront jamais cette guerre. Et je comprends très bien, que les Ukrainiens veulent aller jusqu’au bout. Il y va de leur existence. Ni plus, ni moins.

Sinon, en attendant qu’on soit un plus nombreux dans cette secte de regardeurs droit dans les yeux, je vous donne quand-même quelques brèves actualités, ce que j’ai sur le cœur. 

La météo

Avec un temps pareil pour travailler il vaut mieux être passionné sinon impossible de se forcer. On a envie de sortir, de se balader, d’aller voir la mer. D’aller voir les gens. Et on le fait, on ne se gène pas. C’est plus fort que nous. Guerre ou pas, il faut bien profiter d’une météo pareille. Il ne fait pas encore trop chaud, mais finalement, il ne fait plus froid. Qu’est-ce que ça soulage. C’est merveilleux le printemps à Odessa. Vous devriez goûter un jour. 

Les bombardements

Ça continue. Pas tous les jours, mais plusieurs fois par semaine. Je ne parle pas du front, là c’est sans arrêt. Je parle des villes, pleines de civiles. Comme Kiev, Kharkiv, Odessa et les autres. Je ne sais plus trop ce qu’ils visent nos voisins. Je sais juste qu’ils arrivent à toucher plus et à tuer plus de gens, parce qu’on a de moins en moins d’armes et eux, au contraire, ils ont de quoi bourrer nos nuits d’alarmes. Ça n’arrête pas quoi. Ça ne fatigue même plus. On est fatigué d’être fatigué. Vaccinés, je ne dirai pas, parce que ne pas faire attention, ça n’aide pas non plus, on a plus de risque si on ne descend pas au sous-sol pendant les alertes. Mais on s’en fout de plus en plus, c’est une habitude, on est beaucoup moins sensible aux alertes.

Les coupures d’électricité

Ah, celles-là, on les attendait pendant tout l’hiver. On se préparait, on était content d’être bien préparé. Je parle des gens, des générateurs, des batteries et tout le toutim. Les politiques, finalement, non, ils ont gaspillés les fonds on ne sait pas où, espérant peut-être que ça ne se verra pas. Et bien, ça se voit, avec quelques mois de retard (nos voisins, on les excuse, hein, pour ce petit décalage). Il paraît que rien de ce qui était prévu n’a été fait pour moderniser l’infrastructure et devenir moins sensible aux bombardements, et on va probablement se retrouver sans électricité en été, en automne et en hiver 2024. Tout inclus quoi. La chaleur sans moyen de se rafraîchir, la fraîcheur, sans moyen de se réchauffer. Bon, moi, personnellement, je ne m’inquiète pas trop pour moi et pour un certain nombre de gens que le point d’invincibilité qu’on a construit grâce à votre aide, peut accepter. On a même une machine à laver et une douche. C’est très important de rester propre, presque aussi important que les yeux. Mais il y a quand-même du boulot à faire pour encore mieux se préparer, parce que l’essence, on peut se retrouver sans, donc le générateur, il servira à rien. Et l’eau, elle peut partir aussi, car les pompes ici, elles marchent à l’électricité, si j’ai bien compris. Il y a toujours un peu de soleil, même en hiver, donc je prévois d’installer quelques panneaux solaires et d’acheter plusieurs batteries dès que possible. On n’est jamais trop prudent. 

L’amitié politique

Qui, on a bien compris, n’existe pas. Au début on n’arrêtait pas de traiter d’ami n’importe quel pays qui nous aidait avec des armes ou humanitairement, petit à petit on a commencé à être plus pointilleux, à faire même des classements en fonction du soutien reçu. Comme des gamins en fait, infantiles, il faut bien l’avouer. Et toujours comme des gamins, mais cette fois vexés on traite tous de traîtres maintenant, on se sent abandonné. Remarquez, il est pas difficile de le prendre comme ça, quand vous n’avez pas assez de systèmes anti-aérienne pour se protéger, quand les gens sont morts à cause des bombardements, et quand pour l’éviter il vous en manque 7 ou 10, alors qu’il y a des pays qui en ont plus de 1000 et ils ne s’en servent même pas en ce moment… Un ami, normalement, il ne t’envoie pas une fourchette en plastique, quand quelqu’un, plus fort que toi en plus, t’agresse. Il vient se battre à tes côtés et les fourchettes il en prend avec lui autant qu’il peut amener, et des vrais en plus, en fer. Donc, amitié entre les États, il faut bien se débarrasser des illusions pareilles. 

Les sentiments, la famille 

Les gens se marient toujours, ils divorcent toujours, ils font des enfants, ils en perdent aussi, malheureusement. Moi en ce moment je me sens bien amoureux. Ça ne m’est pas arrivé il y a un bon moment et comme je ne veux faire du mal à personne, y compris à moi-même, j’essaie de ne pas trop faire mes avances, pour pas que ça avance, voilà. J’en fait quand-même un peu, dans les limites de la gentillesse, ça vient tout seul et il est dur de s’en empêcher. Et je pense que ça se voit très bien que je ne suis pas indifférent, mais j’ai vraiment du mal. Du coup, j’attends, comme un crocodile ou plutôt comme un con, je ne franchis pas la ligne. Je le dis à vous parce que vous vous en foutez forcément et ça m’arrange très bien. Merci de m’avoir écouté, c’est gentil de votre part.

À tous les saints

Écouter sur le site de RTBF

J’ai entendu il y a longtemps une phrase. La citation était plus ou moins la suivante : On peut tromper quelqu’un pendant toute sa vie, mais on ne peut tromper tout le monde que pendant un certain temps. C’était un cours de philosophie, on parlait d’Hitler, de la deuxième guerre mondiale, des camps de concentration. On essayait de comprendre pourquoi cela a été possible. On parlait aussi de Staline qui ne s’est pas très éloigné de l’autre dans son œuvre.

Poutine, ce malheureux, il doit être content d’observer les résultats de ce qu’il a fait. Tout le monde se déchire, tout le monde s’accuse. En Ukraine, en Europe, aux États Unis, dans le monde entier. Il n’a pas pris l’Ukraine en trois jours comme il voulait, mais bon, il a compris la leçon. Un peu plus de temps, un peu plus de morts, et il est toujours au pouvoir, il gagne toujours des milliards, on fait toujours du business avec lui, il a éliminé toute opposition possible au sein de la Russie, il se fait des amis parmi les autres malheureux qui aimeraient bien profiter de cette faiblesse de l’occident et moi personnellement je ne vois pas pourquoi il s’arrêterait. Tout va bien pour lui non ?

Je sais que personne ne croyait que l’Ukraine pouvait résister à une telle armée. Qu’on la considérait cette armée comme une vraie force contre laquelle on a construit toute une OTAN. Mais sera-t-elle prête, cette association à se servir de ce fameux article 5 de son traité ? En voyant l’Ukraine, qui protège, jusque-là, cette union, qui ne permet pas à l’armée de Poutine d’avancer plus loin, qui l’enterre cette armée, en enterrant aussi la sienne et qui, en retour, reçoit de moins en moins d’armes et des accusations en plus de ne pas avoir bien avancé, alors qu’il n’y avait vraiment pas avec quoi, et ils le savent, ceux qui accusent, je ne serais pas si sûr que cet article soit toujours d’actualité. Comme je ne suis pas sûr que si ce n’était pas l’Ukraine, dont les militaires sont des vrais guerriers, si Poutine avait décidé d’attaquer directement un pays membre de l’OTAN, ce pays victime n’aurait pas été effectivement envahi en trois jours. Et des excuses, c’est toujours facile à trouver.

On les a bien trouvés pour le mémorandum de Budapest.

Pour l’Ukraine ça n’a pas marché comme prévu, d’accord. Poutine s’est cassé la gueule au début. Beaucoup de politiques ont été étonnés. Beaucoup de pays membres de l’OTAN ont promis des armes, ils ont participé, beaucoup, au début. Mais jusque-là certaines de ces promesses n’ont pas été tenues.

Poutine, en attendant, a su changer de stratégie et chaque jour il devient de plus en plus fort. Je ne sais pas combien de temps encore les soldats ukrainiens pourront retenir ce monstre dans ces conditions, mais ça me parait évident que si les conditions ne changent pas, si les aides militaires n’augmentent pas vraiment, l’OTAN aura un jour affaire directement à Poutine qui sera, à ce moment-là, encore plus fort, parce qu’on lui aura permis de le devenir. Et il sera bien dispo avec toute sa machine de guerre qu’il est en train de construire. Et il sera bien fier de lui, ayant vu cette attitude envers l’Ukraine. Ça lui servira d’exemple. Et ça lui donnera envie.

N’allez pas croire que c’est impossible. Cette guerre-même semblait impossible et pourtant on est bien dedans jusqu’aux oreilles, même pas jusqu’au cou.

Pour nous, c’est assez simple, soit on gagne malgré tout, soit on meurt. Comme pays, comme culture, comme personnalités. Parce qu’il n’est pas possible de vivre dignement sous un régime pareil, donc on ira jusqu’au bout, on n’a pas le choix, on sait très bien ce qu’on risque.

Pour les autres pays qui voisinent avec la Russie, j’aimerais bien conseiller quelque chose, mais je ne trouve rien, à part d’appuyer plus sur les politiques, qui retiennent sous telle ou telle excuse les aides pour l’armée ukrainienne. Eux, ces pays, ils savent aussi ce qu’ils risquent. Ils ont déjà essayé. Personne n’a aimé.

Avec cette guerre en Ukraine l’OTAN a la chance de toute son existence d’en finir avec la façon d’être des régimes en Russie, qui la menacent depuis des décennies, qui nie toute démocratie, tout respect de la vie humaine, des droits de l’homme, si on s’en souvient encore. Ils ont cette chance unique, ces pays de l’OTAN, d’y mettre fin sans sacrifier une seule vie de leurs citoyens. Sans avoir un seul enfant mort sous un bombardement. Sans avoir une seule femme veuve ou violées par des soldats déchaînés qui se croyent tout permis. Ils ont cette chance, eux. Ils ont ce choix. Il serait très dommage de ne pas en profiter. Il serait très dommage de perdre l’Ukraine et d’avoir à affronter ce monstre directement.

Regardez si vous avez un moment la vidéo de Mariupol de 2022, ville heureuse, illuminée pour les fêtes de Noël. Ville ukrainienne, mais russophone. C’est rasé. Il n’en reste plus rien. Les Russes sont venus la reprendre, la sauver comme ils disaient à l’époque. Ils ne le disent plus. Ils ne se cachent plus. Ils rasent tout simplement.

Je peux comprendre qu’on a cru que la Russie avait toutes les chances de devenir un pays démocratique après la chute de l’Union Soviétique. Je suis né en 1989 et pendant toute mon enfance j’ai assisté à cette liberté qui était si proche, qui grandissait avec moi. Je ne connaissais même pas autre chose. C’était tout naturel.

Je me souviens aussi de cette liberté d’expression à la télé, mon grand-père y travaillait. Ils se croyaient tout permis ces adultes, ils pouvaient enfin respirer, ils s’imaginaient un avenir. Ils pensaient que toute cette période était bien finie. Je me souviens de cette ambiance merveilleuse, quand j’étais gosse. Et du moment où elle a été cassée. Quand j’ai su qu’un parent lointain s’en est allé faire la guerre en Ichkérie pour l’argent, il a choisi de tuer les gens pour nourrir sa famille. Je n’ai jamais compris, j’ai été bouleversé.

Depuis lors, les conflits militaires avec les pays voisins ne s’arrêtent pas et sont de plus en plus meurtriers. Et leur croissance coïncide parfaitement avec l’assassinat progressif de la presse libre et la restauration du régime autoritaire, ainsi qu’avec l’augmentation permanente du niveau de propagande que Goebels envierait aujourd’hui.

Donc, si on veut tenter sa chance et laisser l’Ukraine à Poutine, espérant qu’il n’ira pas plus loin, on peut le faire bien sûr. Mais ça peut coûter encore plus cher que ça a déjà coûté à beaucoup de gens, à beaucoup de familles.

On ira bientôt encore une fois dans un camp de réfugié à Koblévo. C’est un orphelinat. On va essayer d’apporter des cadeaux, des gâteaux. 120 enfants, qui n’ont plus de parents. Qui ne les auront plus pour toute leur vie. À jamais. Definitivement. Sans objection. Ils ne peuvent pas changer ça, personne ne le peut. Il y en a qui ont 3 ans, 4 ans. Il y en a qui ont plus. Tous réunis pour une seule raison. La guerre. Tous avec le même sourire qui dépasse bien l’âge qu’ils ont.

Quand je les vois, je pense aussi à ma petite sœur qui n’a que trois ans, que je n’ai jamais vu en vrai. Seulement en vidéo. Elle est tellement joyeuse, elle ne sait pas encore quel monde de connards on a créé. Elle va se poser bientôt des questions genre pourquoi on ne peut pas se voir, elle en Russie, moi en Ukraine. Je vais devoir un jour lui expliquer des choses que j’aimerais ne pas avoir à expliquer à un enfant.

Les enfants, ils n’ont pas de nationalité, ils ne devraient pas. Maman, papa, c’est presque pareil en toutes les langues.  C’est nous les soi-disant adultes qui la leur prescrivons, leur nationalité, en leur mettant aussi sur les épaules toute cette saloperie de conflits congelés que l’on n’a pas su résoudre nous-même.

Et ça continue, ça n’arrête pas. Ça n’arrête jamais.

Je vais dire une banalité, mais il est temps que le monde trouve une solution, surtout si aider l’Ukraine militairement n’est plus une option. Avec notre intelligence, nos technologies d’aujourd’hui, on pourrait au moins essayer, non?  On fait des choses impossibles, inimaginables il y a quelques dizaines d’années, et on s’entretue toujours comme des barbares. Qu’est-ce qu’il faut faire alors pour arrêter cela? Pour comprendre qu’une vie, une seule vie humaine, est déjà un miracle en soi. Et que ce ne sont surtout pas nous, les humains, qui avons le droit d’en priver quelqu’un.

C’est ça que j’aimerais demander à Saint Nicolas et à tous les saints de toutes les religions. Qu’ils nous guident vraiment, tous ensemble. Peut-être que là, ce n’est plus à l’Europe, ni aux États-Unis, c’est vraiment à eux de se réunir, parce que nous, les humains, on ne s’en sort plus. Qu’ils nous aident, si possible, à enterrer nos torts et à voir nos différences comme quelque chose de beau et de créatif, au lieu de se déchirer à chaque occasion. N’a-t-on pas assez souffert jusque-là ?

N’a-t-on pas assez fait pleurer nos enfants, nos pères et nos mamans ? 

Chaussettes pour blessés

Bonjour à toutes et tous, j’espère que vous vous portez bien et que vous avez pu profiter un peu de ces quelques jours fériés.

Nous, on a quand-même eu droit aux feux d’artifice, on dirait qu’ils ont eu une promotion de Noël mes compatriotes, il y a eu des morts, des blessés le 31 et les jours suivants, mais tout ça, tout compte fait, ne change pas grand chose. Ce sont des criminels, et on n’a qu’à les arrêter le cœur froid, point barre. J’ai commencé à écrire mon podcast du mois de janvier. Comme vous le savez, à la radio on a changé un peu le programme (j’en aurai des nouvelles bientôt), donc je vais le publier sur le blog seulement d’ici quelques jours.

La guerre, elle est pleine de contradictions. Quand on parle avec des amis de ce qui se passe autour de nous il y a de quoi être content et pleurer dans une seule phrase. Et quand je lance une mission, j’ai aussi des contradictions. Je n’aime pas demander, mais je suis bien obligé quand il le faut. En plus, je sais que ça vous fait plaisir quand on réussit quelque chose ensemble.

Pour Mykolaïv on a le camion qui arrive début février, grâce à Serge et Céline, deux français de Lyon. C’est déjà très bien. Mais il y a Tatiana, la femme de Nikolaï, pilote de drone, dont je vous ai déjà parlé, qui m’a écrit presque en pleurant le 27 décembre.

À l’époque elle faisait des chaussettes pour les blessés dans les hôpitaux. C’est tout un problème, quand on est blessé et accroché à des appareils. On ne peut pas se couvrir, s’habiller, on est allongé pendant des jours et des jours et on a très froid au bout d’un moment. Elle a donc inventé les chaussettes avec lesquels on peut habiller les blessés, avec des boutons, non seulement pour les pieds mais aussi pour les bras. Et ça aide beaucoup. Les gens l’ont contactés récemment pour en demander encore et surtout d’une manière régulière.

Et depuis déjà deux semaines elle n’arrête pas d’en fabriquer. La première partie est déjà prête et envoyée, on a pu acheter ce qu’il faut nous-même et puis elle s’est aussi servi de tous les restes de vêtements cousus qu’elle a pu trouver. Elle est prête à ne s’occuper que de ça, elle n’a plus de travail et son mari est au front et c’est aussi une sorte de méditation pour elle, pour ne pas devenir dingue, parce qu’elle s’inquiète pour lui énormément chaque jour et chaque nuit.

Elle dort mal, elle mange difficilement.

Et même que ça ne coûte pas énormément, ça coûte quand-même. Je ne gagne pas encore assez d’argent pour couvrir cette mission tout seul d’une manière régulière, donc je vous propose de participer en fonction de ce qui est possible pour vous.

Le budget mensuels est de 400 euros, ce qui permettra d’acheter le matériel pour 120 chaussettes. Grâce à ça chaque mois 120 personnes de plus n’auront plus froid dans des hôpitaux. Et ça leur fera un peu chaud au cœur aussi, parce qu’il est vrai que dès que tu n’es plus au front, tu n’es plus la priorité. On manque déjà de tout, et les blessés… il fait ce qu’il peut l’État. On en parlera dans mon podcast.

Autre problème, comme c’est souvent le cas au front, la voiture que nous avons acheté pour l’équipe de Nikolaï, est à réparer (elle a tenu longtemps celle-là, tenace !). Plus les roux d’échange. Le budget totale est de 714 euros, dont on a déjà pu rassembler 250 en Ukraine.

Merci pour votre aide !

Portez vous bien,
Artem.

Rapports photos et vidéo

25.01.2024

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