Un russe en Ukraine
Le blog d'Artem SAVART

Fatigués de fatigue

Les gens sont fatigués. Il est de plus en plus dur de récolter de l’argent pour nos missions humanitaires, que l'on continue en Ukraine.

On est un peu frustré, parce que les projets qu’on a lancés ne seront plus possibles si on ne trouve pas de financement. C’est là que je me rends compte que c’est un peu dommage de ne pas avoir fait fortune avant cette guerre. Mais à la fois c’est une raison assez convaincante pour devenir riche le plus vite possible.

Si je vous en parle, ce n’est surtout pas pour me plaindre ou demander de l’aide. Les gens qui voulaient participer l’ont déjà fait alors que je n’ai rien demandé et ils ont vraiment aidé, j’en serai reconnaissant toute ma vie.

Chaque fois que je me rends au local autonome en énergie et connexion, qu’on a construit grâce aux gens comme vous, et que je vois ce beau générateur offert et livré par un monsieur qui m’a juste entendu une fois à la radio, que je vois tout ce beau travail dont la moitié a été financé par des gens qui ont fait des dons, je me rappelle de suite, qu’on n’est pas seul, il faut juste faire ce qu’on a à faire et les moyens, les gens, les opportunités, ça va venir, il ne faut surtout pas s’inquiéter.

Il ne faut surtout pas lâcher.

Mais c’est vrai que les dons étaient aussi un marqueur pour désigner l’implication des gens dans cette guerre. Au début on était tellement choqué, tellement hors de notre réalité habituelle, qu’on cherchait nous même comment aider.

On était réunis comme jamais.

Maintenant, quand on envoie les liens vers des collectes pour telle ou telle missions, il faut bien être prêt à ce que ta liste de contacts puisse maigrir un peu.

Les gens en ont tellement marre de cette guerre que soit ils répondent pas, soit ils disent qu’ils sont fatigués, soit ils te bloquent. Et je ne parle même pas de l’Europe, je parle des gens qui sont en Ukraine, en pleine guerre, qui osent dire qu’il ne veulent plus participer à tout ça, qu’ils ont leur vie, leurs problèmes, leur quotidien.

Et je ne les juge surtout pas, ce n’est pas facile, une guerre. Ce n’est pas naturel. On n’est pas fait pour entre-tuer, on est là pour tout ce qu’on veut, mais pas pour ça.

Jusqu’à présent, c’est le privilège des astronautes, mais j’aimerais que tous ceux qui habitent sur cette planète essaient au moins d’imaginer ce petit caillou, qui est notre maison à tous, vu de l’espace.

On ne voit pas les frontières, on ne vois pas les différences, juste un petit truc rond, dont la provenance n’est pas défini et pourtant, si on descend petit à petit sur cette terre, on peut remarquer, si on veut, à quelle point chaque vie est unique et précieuse.

À quelle point elle est un univers qui est beaucoup plus grand que tout ce qu’on peut trouver dans l’espace. Je ne me souviens pas du nom de cet astronaute, mais il a dit une chose dont je me souviendrai toute ma vie :

– Ce qu’il y a de plus intéressant dans l’espace, c’est l’équipe.

– Les autres humains.

C’est dommage qu’il y a des guerres, c’est dommage qu’il faut faire un choix pour se protéger. C’est tellement beau une vie, même la plus insignifiante pour les autres, c’est une telle chance pour celui qui a l’honneur de la vivre.

Certains n’en auront plus de cette chance.

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